03 nov. ~ Rougge ~
l Rougge l Cordes l
Rouge comme la couleur de la passion qui se dégage de sa musique, et deux G comme l'antithèse de l'accélération qui la meut. Tel est Rougge,... lent, appliqué, se bonifiant avec l'âge comme un bon vin appelant à la dégustation modérée... sans forcément vouloir ou pouvoir s'arrêter à la première gorgée, au premier verre, à la première bouteille. Car la musique de Rougge a cela d'enivrant qu'elle ne laisse que difficilement impassible et séduit irrémédiablement.
Quel joli parcours que celui de Frédéric Charrois, happé par la musique depuis le plus jeune âge mais qui délaisse un jour l'instrument de ses études pour apprivoiser le piano. Une histoire de cordes, mais à la densité et à la tension toute autre, une histoire de cordes, martelées celles-ci, mais parfois également manipulées directement avec les doigts dans le ventre béant de l'animal, des cordes métalliques auxquelles il ajoute la chaleur des siennes de cordes, vocales, sans se résigner à choisir sa langue, ou n'importe quelle autre.
J'ai découvert vraiment un plaisir dans ce chant sans paroles, expliquait-il à l'antenne locale d'une télévision nationale. Souvent dans une chanson, le chant est vecteur d'un message (...) et souvent le message prime (...) Quand on supprime le message, le chant redevient premier et retrouve cette sensation vraiment originelle du chant qui peut-être existait avant tout propos.
Et c'est vraiment un plaisir physique, proche de la méditation parfois, expliquait le Nancéien au sujet d'interprétations moins écrites qu'il n'y paraît.
À cela s'ajoute le parti pris de ne pas considérer ses titres autrement que comme des fragments, qu'il numérote, et dont la longueur ne suit d'autres règles que celles que l'instant dicte.
Il en résulte des atmosphères indéfinissables qui résonnent autant à l'oreille de mélomanes classiques que de fans de musiques actuelles septentrionales,... oscillant sans cesse entre la tentation de l'univers de l'opéra de chambre et les envolées pop à ciel ouvert à la Sigur Ros ou Radiohead.
Partie des 'seules' 220 cordes de son piano, auxquelles il ajoutait celles de sa voix, la phase d'expansion de la musique et de l'univers de Rougge se poursuit avec l'entrée en scène sur cet EP d'un quatuor à corde, violons, alto, violoncelle et contrebasse... apparu timidement en fin de son deuxième disque, Monochrome. Allant à l'essentiel, il y poursuivait une quête de sensation musicale épurée et sans artifice.
Cette formule étendue du solo promet la publication prochaine d'un long format avec les cinq titres de ce Cordes auxquels viendront s'ajouter des réinterprétations d'anciens fragments, mais celle fois-ci avec ces cordes supplémentaires. En parallèle, Frédéric reste ouvert à toutes les extensions et débordements possibles qui le sortiraient d'une trop grande linéarité, accompagnant aussi bien des images, que des pas de danse, sur de grandes scènes, dans de petites églises ou sur de grandes places ouvertes aux quatre vents.
Un luxe auquel se prête sa musique, pour le plus grand plaisir de nos oreilles.