08 mar. ~ Nicolas Repac ~
l Nicolas Repac l Black Box l
Nicolas Repac est certainement plus connu en tant que guitariste d'Arthur H, qu'il accompagne depuis plus de 15 ans, mais il est aussi l'auteur d'albums magiques qui opèrent la synthèse de sa culture et de sa pratique du sampling et son amour pour les musiques noires.
Il y eut Swing-Swing, qui comme son nom l'indique, s'intéressait à l'un des plus joyeux pans du jazz dansant. L'artiste y recomposait des morceaux sur la base de samples tirés d'enregistrements d'époque - comprendre bien sûr des premières heures de l'histoire phonographique.
Avec Black Box, en s'intéressant aux racines du blues, il enfonce le clou, comme celui d'un diddley bow qu'on fabrique sous le porche d'une maison dans le Mississippi.
Il érige des ponts plus oubliés qu'imaginaires entre Afrique de l'Ouest et les Etats du Sud américain, produisant la bande son d'un film sur l'histoire du blues qui reste à écrire...
À moins que ça ne l'ait déjà été fait avec le documentaire The Land Where the Blues Began* du musicien, producteur et ethno-musicologue, Alan Lomax, dont les archives servent de base à quelques titres de son album.
Nicolas Repac puise effectivement pour ce disque dans les archives de Lomax et en tire des éléments utiles à son inspiration poétique et musicale, de la même manière qu'il invite au micro de magnifique et emblématique voix pour appuyer son propos. À commencer par Bonga pour un blues aux couleurs de l'Ouganda sur une rythmique très Bristol, ou le Sénégalais Cheikh N'Digel Lô qui n'aurait pas dénoté dans le paysage sonore de la Louisiane, par exemple, d'un True Detective.
Il réunit également autour de la grande table (de mixage) des racines du blues les incontournables Bo Diddley et Blind Willie Johnson, mais n'en n'oublie pas l'importance des Caraïbes en reprenant des éléments du travail de son compère Victor Raymond, régisseur d'Arthur H. Les titres avec les chanteurs haïtiens David Metellus de Ti Coca et Wooly Saint Louis Jean sont tout simplement à tomber par terre.
Ce Black Box était présenté installé dans une boîte noire qui s'ouvrait et se refermait au fil du concert, belle mise en abîme du travail de sample et de mémoire ! Un élément de plus au grand débat sur l'utilité de l'échantillonnage, ses racines, ses adeptes et les accusations d'infâme pillage par ses détracteurs.**
Je joue du sampler, explique-t-il dans une interview filmée par Estelle Beauvais pour le label Nø Format. Ce serait vraiment du vol, si je rajoutais seulement une cymbale, un tambourin (...) La plupart du temps, c'est la possibilité de voler qui m'a fait découvrir (...) la réinvention du monde et la recomposition totale de l'univers.
J'essaie de tout rejouer en tempo, avec mon corps, avec mes petits doigts, plutôt que de séquencer et de penser la musique dans l'ordinateur, avec la souris.
Ce parti pris de création, lorsqu'il est abordé et pensé avec le respect nécessaire de l'oeuvre originale, est loin d'en voler l'essence ou d'en écraser la légitimité originelle, pas plus qu'il ne nierait la raison d'être de la nouvelle oeuvre qui en émerge.
Il n'y a qu'à écouter le Redemption Blues ou le (Black) Betty Loop proposé par Nicolas Repac... sans compter que le musicien prouve, s'il en était besoin, qu'il pourrait s'en passer avec un titre comme 335 Time.
CQFD ? Black Box prouve en tout cas la créativité 'made in France', à laquelle Alan Lomax s'était d'ailleurs intéressé dans les années 50, avec comme à son habitude des collections de traces sonores à découvrir.
* Peut-être mais pas complètement, car les documents rassemblés sur une petite heure de témoignages s'intéressent surtout à l'histoire des work songs et de personnages qui en sont à l'origine, mais, par bribes, Lomax laisse échapper quelques indices sur les racines africaines d'instruments et de types de chants. Disponible sur Youtube en V.O. sans sous-titres
* savamment abordé dans le dernier épisode de la série de documentaires Soundbreaking