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17 déc. ~ Dominique A ~


l Dominique A l Remué l

1999, la fin de siècle est bien entamée mais l'esprit du programmateur bénévole passionné de musique que je suis est plus qu'affairé à alimenter au quotidien l'antenne de sa jeune radio associative, fière membre de la fédération de radios défricheuses qu'est la Férarock.

L'effervescence de la scène française est effarante et le label Lithium, parmi d'autres, y contribue amplement... La rue des Tournelles, siège de la pépinière Labels est devenu un passage obligé de nos virées parisiennes avec un ami programmateur stéphanois.

Tels des enfants le matin de Noël nous repartons systématiquement les bras remplis de sacs remplis d'albums qui marqueront les esprits. Le 3e album officiel du Nantais Dominique Ané sera l'un de cela.

Conscient du fait que l'on ne peut pas tout aimer, le principe est de rester à l'écoute de ce qui se passe, de ce que les animateurs des émissions spés de la radio découvrent de leur côté, de l'intégrer ou pas à la programmation globale que certaines personnes comparent parfois à Couleur 3 - de l'époque - le jour ou à Nova - de l'époque - la nuit...

Fan de Prince devant l'éternel, je n'en rentre pourtant pas en rotation. Il faut dire que depuis le Black Album il me facilite la vie. Il apparaît essentiel de ne pas forcément programmer ce que j'aime intimement mais plus ce qui semble cohérent à la couleur d'antenne... une seule idée en tête... ouvrir les auditeurs à de nouvelles sonorités plutôt que de s'enfermer dans le confort robinatoire de ce que les ex-radios libres à gros budget font très bien toutes seules.

Si trois ans plus tôt j'ai pris une grosse claque avec le #3 de Diabologum, si l'année précédente j'ai été surpris par l'accueil des auditeurs face aux dissonances d'un titre comme Wet, version remisée, de Dionysos, je reste sur le souvenir d'une Mémoire neuve de Dominique A qui ne m'avait pas plus ému que ça. Trop chanson certainement pour quelqu'un qui s'attachait à bousculer les habitudes d'auditeurs face aux rouleaux compresseurs FM.

[ on passe sa vie à prendre des trains en marche ]

Par la suite, force est d'admettre qu'avec le recul et l'écoute de piles de disques, des titres comme les Hauts quartiers de peine, Il ne fait pas souhaiter la mort des gens et le Métier de faussaire figurent parmi les plus belles chansons jamais écrites.

Un peu d'honnêteté avec soi-même amène à accepter que l'on ne peut pas tout connaître et que l'on passe sa vie à prendre des trains en marche. Il nous incombe ensuite de céder à la curiosité de remonter le temps et de reconstituer l'histoire et les chemins pris par un artiste pour l'amener au moment où on le découvre, alors qu'il est lui dans un processus entamé bien en amont de ce point d'intersection.

Il y a ainsi dans Remué des choses qui affleurent dans ces deux premiers disques, réunis en un seul lors de la réédition de la Fossette pour les 20 ans de la sortie du disque. Pour autant, je ne suis même pas sûr que la Mémoire neuve m'aurait plus touché à l'époque si j'avais découvert Dominique A avec l'édition très limitée de son Disque sourd ou la Fossette, sur lequel on allait retrouver une bonne moitié de titres réarrangés.

Mais tout à ma passion de défrichage et de transmission naissante, il n'était pas imaginable de ne pas écouter l'album suivant. Passer à côté de ce disque eut été une faute impardonnable.

Dès les premières notes de Comment certains vivent les textures, la voix prennent de la distance et de l'épaisseur, installent un climat, sombre et lumineux à la fois, qui traverse, sous différentes formes, un album impressionnant, hypnotique, moins difficile à écouter qu'il ne le fut à réaliser comme l'auteur l'a eu expliqué depuis et comme le retranscrit en demi-teinte le documentaire Le morceau caché* de Laurent Tuel, plus centré sur la session new-yorkaise que sur ce qui s'en suivit.

[ un disque fantomatique... un disque immatériel, intouchable ]

Les sessions new-yorkaises regorgent d'ambiances imprégnées d'un jazz déviant, pas étrangère à l'ambiance du Brooklyn de l'époque, peut-être, un Brooklyn moins bobo, plus urbain. Des sessions dont seuls quatre titres ont, presque, survécu à la purge, au reset, somme toute violent, qui s'en est suivi, avant de se mettre au vert en Bretagne.

Armé d'un sampler, décidé à bousculer les conventions et les structures de morceaux, il parvient à casser la dynamique du format chanson, plaçant le texte au coeur de ressacs nourris par la batterie animale de Sacha Toorop, de l'obligatoire Zop Hopop, et d'interventions extérieures, dont celles de l'ex-Noir Désir, Fred Vidalenc, ou de Christian Quermalet de The Married Monk.

Construit en réaction à la surenchère de mélodies, le travail d'ambiances pitchées et dépitchées débouche sur un disque fantomatique jouant avec le découplage des vitesses d'exécution, avec le patin et les aspérités du temps suspendu, qui en font un disque immatériel, intouchable.

* https://youtu.be/C5efeBtPn04

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