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16 déc. ~ Louis Arlette ~


l Louis Arlette l À notre gloire EP / Sourire carnivore l

Si la musique doit s'apprécier pour ce qu'elle est, de la musique, et sans trop se poser de questions, le Sourire carnivore de Louis Arlette dérange, ou tout du moins ne manque pas de bousculer quelques règles préétablies au royaume de la chanson.

Il faut bien avouer que la France est experte dans ce que j'appelle personnellement le complexe de la vache-qui-rit qui comme la publicité des années 80, cette manie de définir moult cases pour avoir le plaisir de ne rien y ranger... trop typé, trop rock, trop ceci, pas assez cela...

À ce jeu-là, Louis réunit sous la même casquette des textes à la teneur poétique d'une époque oubliée voire inconnue de certaines jeunes générations et un registre musical mêlant synthétique et organique qui fait passer le rock adulte à la française pour de la pop suédoise.

Louis Arlette apparaît comme un homme de dualités, souvent radicales, qui cultive le paradoxe, à commencer par nom, et joue avec une grosse enveloppe sonore au creux de laquelle il dépose ses textes dans la langue de Proust et Brel.

[ Le son est extrêmement important bien sûr, mais c'est une illustration du texte...

Rien de plus. C'est un écrin ]

Au premier rang des paradoxes, la volonté affirmé de se placer dans la sphère de la chanson alors qu'en parallèle le soin attaché aux structures musicales, à commencer par la surpuissance de la batterie, sonne comme une évidence.

Les structures dépendent surtout du texte. Je commence toujours par le texte, tranche Louis. Le son est extrêmement important bien sûr, mais c'est une illustration du texte. Rien de plus. C'est un écrin.

La batterie est un de mes instruments favoris, c'est un régal à enregistrer. C'est jouissif de donner un soutien sonore à un texte, ça le fait vivre, poursuit-il. C'est ce qui m'intéresse. L'important, c'est d'avoir quelque chose à dire, en ce qui me concerne. C'est la raison pour laquelle je fais de la chanson, et pas une musique instrumentale par exemple.

Difficile d'imaginer à ce stade que le violon fut le premier instrument de celui que l'on voyait il y a à peine encore un an débarquer seul sur scène avec un Fender Rhodes, une boîte à rythme et un synthétiseur.

J'ai commencé par le violon, ça m'a beaucoup marqué. J'ai travaillé dans un orchestre avant de faire des sessions en studio. C'est là que j'ai découvert le monde du son, mais je suis plus à l'aise avec le piano (...) les claviers et les synthés en général.

Cela dit, c'est le chant que je travaille quotidiennement aujourd'hui. Je ne suis pas un instrumentiste plutôt un touche-à-tout, poursuit-il. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a un monde entre savoir jouer un peu d'un instrument, suffisamment pour composer ou s'accompagner et être un musicien accompli, capable de faire de belles prises de son dignes d'être gravées sur un disque.

Mais c'est important pour moi de savoir jouer de plusieurs instruments, c'est inspirant.on ne compose pas du tout de la même manière sur un piano, une guitare, ou un synthétiseur...

Travailler le violon m'a appris la discipline, la rigueur, ça m'a musclé en quelque sorte, sourit-il. Et artistiquement, le fait de me retrouver en orchestre a été très fort. Entouré par le son, la puissance sonore brute... c'est grisant ! Mais encore une fois, je ne me suis jamais senti instrumentiste. Je fais souvent des arrangements de violons dans mes morceaux, je suis très attaché à cet instrument.

De fait, la narration au violon et en orchestre n'est pas la même qu'aux claviers mais la musique que Louis construit autour de ses textes portent la marque d'arrangements structurés, puissants tout en restant pop, ce qui n'est pas sans évoquer la bande Dave Gahan, Martin Gore, Andrew Fletcher, Alan Wilder.

[ La langue française est un outil d'expression incroyable...

et la culture du son est forte en France ]

Les titres sont remplis de lignes accrocheuses, mais le français dans le texte ne manquera pas d'un côté de perturber les allergiques à la langue du Bescherelle qui acceptent néanmoins que soit dressé un parallèle entre Etienne Daho et Depeche Mode. D'un autre côté, le public dit chanson risque de toute évidence d'avoir du mal à 'accepter' la manière dont il manie à la fois la plume et le fouet, le larsen et les nappes synthétiques.

J'ai remarqué que la chanson était très poussiéreuse en France. Il y a une espèce de passéisme que je trouve déprimant (...) et un complexe, aussi, dit Louis.

C'est très rare de rencontrer des chanteurs français qui ne se réfugient pas dans un schéma établi, de chanteur à texte, s'accompagnant d'un accordéon ou d'un piano. Cela dit, il peut y avoir de très belles choses, mais je trouve dommage de ne pas aller de l'avant.

La langue française est un outil d'expression incroyable et la culture du son est forte en France. On n'a rien à envier aux anglo-saxons, plaide-t-il, citant à la volée Dominique Blanc-Francard, Renaud Létang, Sdar... la French Touch.

De fait, l'une des forces de ce disque est de mettre l'auditeur, et accessoirement le critique, face à ses propres contradictions en les exposant, suscitant par là-même un questionnement intéressant pour peu qu'on veuille bien y réfléchir plutôt que de chercher à se faire un avis sur le pouce et claquer la porte...

Car faut-il rappeler qu'au-delà de l'écrasant triptyque Brel/Brassens/Ferré, en matière de capacité sonores et de production, l'Hexagone fut aussi, bien avant la scène versaillo-parisienne, le berceau de Pierre Henry, Richard Pinhas, du GRM...

Bien sûr, le GRM, l'IRCAM avec Boulez, etc... Oui, même si Brel osait des arrangements très étonnants parfois...

J'adore Brassens, mais il a fermé la porte derrière lui selon moi. Brel au contraire ouvre un champ du possible hallucinant, dit-il au sujet du plus Français des Belges dont il reprend et adapte l'un des textes en live.

[ Le studio a un côté cocon, étanche...

mais c'est le calme avant la tempête ]

En matière de chanson plus classique, le titre Jeux d'or, avec Alma Forrer, vient réchauffer un peu le coeur d'un ouvrage globalement sombre, avec une batterie ostensiblement placée au premier rang. Le duo est alors appréhendé d'une manière complètement différente, Louis n'étant pas, de son propre aveu, à un grand écart près.

Je ne voulais pas un mixage à la française... plutôt inspiré par le rock british, pour le coup, si on doit chercher une comparaison, détaille-t-il. Alma a une très belle voix au timbre doux, assez folk. On ne peut pas la rentrer dans un mix de la même façon, ce qui n'est pas une mauvaise chose, simplement un fait du point de vue du mixage.

J'ai toujours aimé les contrastes, ajoute-t-il. Je ressens ces morceaux comme cohérents artistiquement, je ne me vois pas composer douze titres, tous rock et agressifs. C'est une variété d'émotions que je voudrais réussir à illustrer...

Au pays du public auquel on sert un peu trop souvent la soupe, le mélange des genres proposé par Louis Arlette risque donc passer pour un entre-deux qui au lieu de ne pas choisir son camp joue avec les deux extrêmes... au hasard, le rouge et le noir... un brin suicidaire, quelque part.

J'espère ne pas être un suicide artistique !, s'exclame-t-il. Je ne me crois pas entre deux, ça ne peut pas plaire à tout le monde, évidemment... mais je cherche à marier cette passion du texte et du son, sans me brider avec des conventions.

Le public, il faut le conquérir, c'est une relation sur le long terme... si on veut partager quelque chose de vraiment fort.

Je suis heureux d'avoir mon indépendance, nuance celui qui officie également en tant qu'arrangeur, ingé son, réalisateur sur la base d'une expérience de longue haleine au Studio Atlas, à Paris.

Je travaille avec une belle équipe, j'aime comprendre comment se passent les choses. Alors on va travailler la sortie du disque en février, multiplier les showcases, montrer qu'on a l'intention de défendre ce projet jusqu'au bout. J'ai la chance d'avoir un travail qui me laisse du temps pour composer, et qui me nourrit puisqu'il est lié lui aussi à la composition et la musique.

Même s'il s'est essayé, avant Louis Arlette, à quelque projet qu'il préfère aujourd'hui oublier, toute l'expérience et la formation en studio, avoue-t-il, l'ont aidé à mûrir sa musique avant de se lancer sous son nom avec son propre répertoire. Autre paradoxe, plus risqué celui-ci, puisque se construire à l'abri de la lumière, en studio s'entend... avant de passer au live peut et se révèle souvent un exercice périlleux lorsqu'éclate le cocon.

C'est un contraste que j'adore, tranche Louis. Le studio a un côté cocon oui, étanche, mais c'est le calme avant la tempête. Sans l'idée de la scène qui suit, il perdrait son intérêt, en ce qui me concerne.

Les artistes qui ne se produisent jamais sur scène me fascinent moins. Je ne pourrais pas me passer de cette étape, c'est extraordinaire de faire exploser toute cette tension accumulée (...) À cela vient s'ajouter le plaisir de travailler avec des musiciens, le plaisir de jouer en live, c'est irremplaçable !

La scène est une des choses que j'aime le plus. Je suppose que tant que je pourrai faire des concerts régulièrement, tout ira bien.

[ Je n'aime pas sentir le côté laborieux de certaines productions...

où l'on sent trop le travail de studio ]

Une envie et une logique dont il mesure les paramètres et les risques, notamment en matière de multicouche, dit-il.

Une fois que le texte me donne envie, je me laisse aller. Je n'aime pas sentir le côté laborieux de certaines productions où l'on sent trop le travail de studio. Le morceau te dit quand tu dois t'arrêter, c'est une erreur très courante - et qui m'arrive souvent - d'en rajouter pour compenser un problème beaucoup plus essentiel au morceau.

Le plaisir est un bon guide. Quand on tombe dans une obsession douloureuse et frustrante, c'est mauvais signe. Une fois qu'on a tiré tout le plaisir possible d'un morceau, c'est qu'il est finit.

Un plaisir et une envie qui remontent à loin et qui n'a cessé d'être nourri au contact des autres, Louis validant l'idée que l'on peut être une sorte de somme de ses influences ou des musiques dans laquelle on a baigné.

Je crois, oui. C'est un travail quotidien de se construire en tant qu'artiste. Il faut de la discipline, il faut s'autoriser à vivre, il faut être curieux constamment... les grands artistes que j'ai eu la chance de rencontrer m'ont toujours confirmé cette idée. Mais tout est au service de ce que l'on veut réaliser.

J'ai toujours su que je ferais mon projet, depuis mes 15 ou 16 ans, confie-t-il. Travailler pour d'autres à été, consciemment, un moyen de me remplir, de me préparer, j'avais besoin de comprendre l'univers de la musique. C'est surtout avec Air que j'ai appris énormément, il faut le reconnaître. Dix ans en studio avec eux, ça marque...

...et ce petit souvenir, presque révélateur.

Premier disque acheté : à 13 ans, Björk , Homogenic. La pochette m'a hypnotisé, je n'avais aucune idée de ce que c'était. C'est toujours un de mes disques préférés.

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