10 déc. ~ Summer ~
l Summer l Front Wave l
Plus de quinze années que ça dure, que Summer livre et délivre à épisodes intermittents quelques décharges et cicatrices blanches et froides de Front Wave.
Le mot est lâché. Enfin ! Summer nous aide à mettre une étiquette sur les brûlots incandescents dont le groupe nous abreuve depuis l'anti-dogme originel qui faisait mine de vouloir Parler à tous ces gens... ni cold wave, ni hardcore, pas non plus post-punk et encore moins slam, malgré les coups de marteaux des textes et des beats simili industriels... car Summer se définissait presque par ce qu'il n'était pas et tout à la fois... un tsunami-coup de boule, une post-wave frontale... bref, une Front Wave cérébrale à forte pénétration, un véritable épouvantail à disciples de Freud.
Ici l'été ressemble à l'hiver. Ici les racines du mal prennent pied sous un mur du son qui projette une noirceur rare, qui évoque les périodes sombres d'un Daniel Darc ou d'une Virginie Despentes, et que certains autres artistes ont également pu toucher du doigt, à l'instar d'un Virago ou d'un Spoke Orchestra, pour ne citer qu'eux.
En effet, le groupe initié par Jean Thooris et Louis-Marie Galtier cultive collectivement une sévère part d'ombre et renvoie les particules élémentaires à leurs chères études...
... un état d'esprit entre exutoire et bar à fantasmes qui confrontent figures fantomatiques intimes, stars déchues, et violences intérieures.
Ouais, à mort !, s'exclame fort à propos Jean. En fait, la Wynona du titre existe vraiment. Ce n’est pas la belle Ryder mais une junkie que j’ai fréquentée intimement. Rien n’est inventé dans le texte. J’espère que la fille est toujours vivante, tranche-t-il.
(L'état d'esprit) change à chaque album, selon nos vécus ou nos dernières expériences. Nous ne le comprenons que bien plus tard, confesse-t-il.
À l’auditeur de déterminer la chose. Pour Front Wave, tout de même : c’est le premier album de Summer (ou le deuxième) qui ne vient pas d’une rupture sentimentale ! Pas certain que cela enlève de la noirceur, semble-t-il…
[ Nous pouvons bosser un titre durant six mois...
pour finalement le foutre à la poubelle ]
Ce Nous dont Jean parle souligne un processus de création qui sous des atours démocratiques relèvent surtout de l'osmotique.
A la base, c'est Louis-Marie et moi, puis Marion nous a rejoint jusqu'à French Manucure. Ensuite Marion s'est principalement occupée de son propre projet musical (Fille du Calvaire) tout en participant à au moins un titre de chaque album (78 overdrive pour celui-ci). Baptiste nous a rejoint à partir du EP Laura Gemser.
Nous confrontons nos propres idées, nous regardons celles qui s'adaptent entre elles, nous discutons beaucoup, détaille Jean. Si un membre n'est pas d'accord sur un mot ou un son, pas d'hésitation : nous remplaçons l'objet du litige. Car il faut que chacun soit en osmose avec chaque titre, sinon c'est impossible à jouer en live.
Un processus de maturation plus lent que pénible.
Ecrire n’est pas si compliqué, tranche Jean. Trouver une légitimité à un texte ou un morceau, cela nous demande beaucoup plus de temps. Nous pouvons bosser un titre durant six mois, pour finalement le foutre à la poubelle. De même, la base des titres vient très très vite. L’étape suivante, qui consiste à travailler les morceaux jusqu’au point limite, exige effectivement un temps beaucoup plus long.
Nous essayons de sortir un album ou un EP tous les deux ans, souligne-t-il. Sans calcul stratégique. Dès que nous ressentons le besoin d’exprimer un état d’esprit, c’est-à-dire le nôtre, nous confrontons nos idées, enregistrons des titres que personne n’entendra, et puis, avec de la chance, plusieurs lignes directives verront le jour. À nous, ensuite, de choisir laquelle correspondra le plus à notre humeur de l’instant.
Pour finaliser Front Wave, Summer a néanmoins à nouveau fait appel à l'ex-Bubblies... Triboulet.
Triboulet avait déjà produit RDV Drague, avec (Michel) Cloup, puis mixé et masterisé le précédent, Hot Servitude.
Louis-Marie est très doué dans l’art du mix et du mastering, mais parfois, ce qui est naturel, il nous faut un regard extérieur pour trouver les solutions sur lesquelles nous bloquons. Disons qu’une solution peut nous demander trois semaines de travail, alors que Triboulet, de son côté, résoudra le questionnement en dix minutes.
Et puis, au-delà de notre amitié et de notre confiance intégrale en Trib’, le Studio de la Trappe, c’est la classe : isolé dans la nature, avec de l’alcool du matin au soir, un terrain de vacances loin de Paris…
Un appel du calme et de la verdure qui ne peut que surprendre à l'écoute de ce nouveau recueil tant Summer semble appliqué à continuer à dresser un mur qui les sépare un peu plus irrémédiablement d'un grand public dont les habitudes d'écoutes ont été cruellement mises en lumière par le récent décès d'une de ses idoles intergénérationnelles.
Entre facilité et intensité, entre convention et immersion, Summer ne doute pas un instant de ses choix. En 21 minutes intenses, le groupe ajoute donc huit de ces briques fondamentales, musicales et verbales qui offrent une version audio d'univers à la Alan Parker d'une autre époque.