09 oct. ~ Mutiny on the Bounty ~
l Mutiny on the Bounty l Digital Tropics l
Les histoires de cordonniers les plus mal chaussés résonnent avec celles en Chine de vendeurs d'éventails s'éventent avec la main, ou en Espagne de forgerons dont les couteaux sont en bois.
Je ne compte plus le nombre de fois où par dérision ou dépit on pouvait imaginer que des groupes de talent malheureusement français auraient certainement reçu un meilleur accueil des médias s'ils avaient prétendus être par exemple belges tant l'appréciation d'un groupe semble parfois liée au fait de surtout n'être pas français.
J'en veux pour exemple un jeune auteur-compositeur talentueux qui avait envoyé sans plus de détails une modeste démo à un mensuel de renom... depuis l'Écosse où il faisait ses études d'anglais... le cachet de la poste faisant certainement foi, il s'était retrouvé encensé pour par la suite, une fois revenu en France, trouver page close dans les colonne de la même publication.
Rien à voir avec une quelconque aigreur dictée par une éventuelle malhonnête intellectuelle ou un manque de goût qui ferait surestimer un artiste pour des raisons de proximité amicale. Il s'agit plutôt d'un triste manque d'intérêt pour une scène qui mérite mieux que la place qui lui est laissée dans les médias de tous horizons, retranchés derrière une logique suicidaire qui leur interdit de s'intéresser et d'intéresser leurs arguments de vente d'espaces publicitaires, comprendre auditeurs, spectateurs et lecteurs. Les petits artistes d'aujourd'hui pourraient être plus nombreux à devenir les grands artistes de demain si seulement il était donné la possibilité au grand public de ne serait-ce d'entendre un peu plus de jeunes talents... au-delà des scènes préfabriquées, copiées-collées d'artistes anglo-saxons confirmés et logiquement en retard d'un train sur les artistes qui leur servent de référence...
[ un réflexe cutané tend à laisser penser qu'un artiste français...
ne sera jamais en mesure de valoir autant qu'un artiste anglophone ]
Le temps que la France se mette à la mode, elle arrive souvent avec un train de retard... Heureusement, il y a des contre-exemples, mais souvent grâce à des artistes qui se sont faits plus ou moins tout seuls et qui se sont résolus à s'exporter, pour -parfois- mieux revenir dans leur pays d'origine qui en devient contraint d'enfin reconnaître qu'en fin de compte il y avait peut-être matière à défendre ces artistes en question et qui en deviennent fiers d'avoir raté le premier coche.
Pendant ce temps, The Hives sont suédois, CAN allemands, Björk islandaise, Sepultura brésiliens, Motorama russes, Grauzone suisses, dEUS belges, Kruder & Dorfmeister autrichiens,... oui d'accord Abba, Nena, Chico Buarque, Tatu, Stephan Eicher (!?), Annie Cordy, Falco, aussi, respectivement...
Trop souvent donc, un réflexe cutané tend à laisser penser qu'un artiste français ne sera jamais en mesure de valoir autant qu'un artiste anglophone forcément considéré comme plus légitime...
... alors imaginez quand le groupe est luxembourgeois !!! Petite entorse faite donc à la ligne éditoriale de french-o-rama, à moins de la jouer époque Louis XIV ou département des Forêts.
Pour autant, comme il n'est pas question qu'un Suiss-o-rama, Belg-o-rama ou Lux-o-rama prenne le relai pour 2018, un petit clin d'oeil ou deux à ces scènes limitrophes méritait bien une petite entorse. Il est vrai que depuis quelques années le travail des Découvertes du Printemps de Bourges lève un coin du voile sur cette scène luxuriante, tout comme par bribes le travail du festival Cabaret vert.
Il y a une dizaine d'années déjà, la scène regorgeait de projets discrets mais intéressants tels que les Weezer locaux, Communicaution, les Kaiser Chiefs du Duché, Metro, ou Claudine Muno, sorte de Regina Spektor folk et drôle, les punk roulettes Versus You, ou encore Hal Flavin, HollyNationalVictims, et dans un autre genre, Gospel Emcee, Funky P ou Toxic René...
... et Mutiny on the County, l'un des meilleurs groupes qu'il m'ait été donné de voir en live... et ce depuis la première fois, dans un lieu de repli dans Rosenthaler str. si mes souvenirs sont bons, un soir d'octobre en marge de l'édition 2008 du Popkomm.
[ un math-rock léché, massif et taillé pour le dancefloor ]
Un changement de line-up n'aura en rien influé sur l'énergie ressentie entre ce soir-là et cinq ans plus tard lorsqu'ils présentaient leur album Trials au Nouveau Casino devant un public honteusement épars. Je postais d'ailleurs ce soir-là, de manière faussement préventive, un post disant que j'avais récupéré la liste d'invités pour pouvoir démentir tous les fort-à-bras qui diraient dix ans plus tard qu'ils avaient assisté à ce concert hallucinant... toute ressemblance avec des faits s'étant préalablement produit n'est pas fortuite.
Trials, beaucoup plus/trop chanté, n'est pas la meilleure porte d'entrée dans leur discographie, à mon sens, malgré le détour par Seattle pour aller le mettre en boîte.
Digital Tropics prend le contre-pied de son prédécesseur en optant pour le 100% instrumental en y ajoutant ce qu'ils appellent eux-mêmes un côté geek à leur math-rock léché, massif et taillé pour le dancefloor. Et si un titre comme MKL_JKSN est tout sauf une reprise de Billie Jean, des titres tels que Dance Automaton Dance ou Ballet Mécanique parlent d'eux-mêmes, enfin le titre en tout cas. Quand à Fin de siècle
... et le plus dans tout ça c'est qu'à l'instar de la plupart des groupes de cette scène, ils transpirent, au propre comme au figuré, la bonne humeur et le second degré... La palme à certains de leur premiers titres qui sont l'une des autres portes d'entrée dans leur univers... Mute in E, Give Me Linux Or I Will Kick Your Ass, Call Me Cheesus...
Bref un groupe, tu les fais ouvrir pour Foals, Battles, ou Deerhoof... et bien les gars, ils se disent qu'ils vont devoir mériter leur cachet ce soir-là.
En attendant, si jamais vous passez par là-haut, à côté des Hauts de France, la nouvelle génération propose un mix d'afrobeat-math-jazz avec No Metal in This Battle, la boîte à musique pop de When 'Airy Met Fairy, et leur Clément Bazin du cru, avec Napoleon Gold.