28 sept. ~ Baobab ~
l Baobab l Reggae Social Club l
Quoi de meilleur que du reggae quand il est bien fait ?... Plein d'autres choses quand elles sont bien faites, sauf le reggae, diront certains. Certes. Mais c'est aussi vrai, heureusement, pour le reggae, surtout quand il évite le piège des paroles lénifiantes.
Alors il est vrai que, sorti des messages fumeux d'un militantisme embrumé, armé de punchlines creuses destinées au mieux à lever le poing en l'air sans chercher plus loin, le reggae made in France, mais pas que, a souvent la palme de la vacuité musicale et textuelle.
Plus personne n'ignore la fameuse blague du Rasta qui n'a plus rien à fumer et qui, écoutant du reggae, dit... c'est quoi cette musique de merde ?
Cette musique de merde a donné quelques enfants au punk qui sont pourtant souvent au-dessus de tous reproches.
[ Baobab, l'arbre roi de la savane, l'arbre à palabres ]
Dans ce domaine-là, Baobab, l'arbre roi de la savane, l'arbre à palabres, même planté et cultivé à Montreuil/Ivry-sur-Seine, avait des choses à dire... et Manu Merlot, funambule du verbe remplissait à merveille le rôle de l'arbre totem du trio francilien.
Ses disques solo et sa verve facile et limpide ont continué par la suite à montrer que le chanteur était plus poète que l'étiquette reggae interdisait à certains de l"imaginer.
Car au rang des préjugés, le musical empêche parfois d'entendre la musique elle-même voire les textes qui l'accompagnent...
À ce petit jeu-là, les Baobab étaient plus rude boys, plus punk et brillaient par la capacité de leur leader à poser des paroles conscientes, comme on dit... surtout sur ce troisième disque, réalisé à la source... en Jamaïque, comme un certain Lucien Ginsburg le fit quelques années auparavant.
Les deux premiers disques avaient commencé à tracer un joli chemin, suscitant l'intérêt de gros bonnets de l'industrie, mais certains oublièrent en route qu'une musique facile à écouter n'est pas nécessairement une musique facile à faire et que le fait que l'argent soit facile avec une musique populaire ne devrait pas pour autant se faire pas au détriment de ceux qui ouvrent leur porte-feuille pour soutenir l'artiste qu'ils aiment.
[ Éviter de prendre les gens pour des cons...
une donnée essentielle universelle ]
Effectivement, il était une époque où certains labels en France, et pas des moindres, confondaient facilité d'écoute et lucrativité... oubliant au passage une donnée essentielle... l'auditeur... qu'il est préférable de ne pas prendre pour un idiot juste bon à consommer de la musique comme d'autres consomment des yaourts.
Éviter de prendre les gens pour des cons est un peu une donnée essentielle universelle, et pas seulement au royaume des rimes opiacées.
En l'occurrence ce Reggae Social Club, dont le clin d'oeil au travail de conservateur de musée de Ry Cooder avec la scène cubaine sonne comme une évidence, a souffert de la bêtise mercantile de détenteurs de chéquiers à multiples zéros qui avaient préféré privilégier le marketing plus que le travail de terrain pour l'album précédent, coupant le groupe de sa base.
Tout à leur business de rentabilité, ils en oublièrent les petites gens et petits médias qui soutenaient le groupe depuis ses débuts... Dommage.
Car du coup, chat échaudé craint l'eau froide, se dit-il... et il fallut que le groupe et son tourneur reprennent le travail à la base, pour repartir à la conquête du public et des médias de proximité... pour redonner toute leur légitimité à leurs riddims purs et durs, à ces lyrics de lover et de warrior dont le registre sémantique reste encore aujourd'hui systématiquement juste et parle au plus grand nombre...
Trop sûrs de le coup, les rois du marketing avaient oublié que la girouette médiatique jacobine parisienne a vite fait par sa versatilité d'enterrer des courants musicaux alors que le public est demandeur... Et si donc l'intelligentsia journalistique délaisse un genre musical il faut ensuite sortir les rames et pagayer deux fois plus ardemment pour exister...
[ mieux à faire que donner des leçons ]
Qui se souvient, aujourd'hui que c'est devenu une évidence, du courage et de l'abnégation qu'il aurait fallu pour imaginer un rassemblement de musique hard rock dans une région atlantique, aux antipodes de l'intérêt des spin doctors musicaux de la capitale.
Il n'est pas à exclure, bien entendu, qu'à faire un reggae trop littéraire, Baobab se soit coupé de facto des premières couches souches mais comment en vouloir à qui plaide pour l'élévation spirituelle.
Bref, Baobab proposait avec ce Reggae Social Club un disque intelligent, puissant et terriblement référencé, se payant le luxe au passage de faire figurer ici ou là Marcia Griffith, Sly Dunbar, Dean Fraser,... dans les studios Tuff Gong et du Mixing Lab. La richesse musicale, les arrangements sont d'une brillance et d'une beauté bluffantes, pour autant qu'on dépasse les codes classiques et que l'on écoute les constructions des titres.
C'est ainsi qu'à l'époque où des pseudos héritiers de reggae, s'achetaient une crédibilité en reprenant, le pauvre, Georges Brassens, pour donner une version tisane d'un texte contestataire, alors Baobab reprenait avec toute la dérision qui lui sied la Société Anonyme d'Eddy Mitchell, tout en parlant d'éducation, d'erreurs de jeunesse pardonnées, de guerres de religion, .. sans oublier de noter que Merlot sait... chanter !!!
Un groupe de qualité qui n'aura pas survécu à son 4e disque mais qui a sa place sur la plus haute étagère des discographies francophones... aux côtés, dans des styles différents, de Marc Nammour, R.Wan et d'autres plumes qui, à l'instar d'un Jean de La Fontaine ont mieux à faire que donner des leçons et préfèrent dresser des tableaux qui parlent d'eux-mêmes.