25 sept. ~ We Insist ~
l We Insist l Wax and Wane l
Sept albums que We Insist ! creuse le sillon d'une musique qu'ils sont un peu les seuls à faire aujourd'hui.
Ils creusent le sillon mais évitent de s'enliser. D'une part, parce qu'ils ne le pourraient pas et d'autres part, parce que c'est le genre de groupe dont les membres sont plutôt... perfectionnistes.
Ils ne le pourraient pas, tout simplement parce que les évolutions dans la composition du groupe les forcent régulièrement à plus ou moins se réinventer, à récrire leur répertoire. Wax and Wane est l'un de ces disques ! Il marque à moitié le renouement avec certaines époques, celle d'Oh! Things are So Corruptible, notamment, en même temps qu'un virage... avec le départ de Julien Allanic, bassiste historique, et le retour de Julien Divisia, ancien guitariste du groupe qui troque du coup ses six cordes contre quatre.
Ça s'est produit de manière très naturelle quelque part, raconte Julien Divisia.
J'étais parti en 2009/2010 et on est restés tout le temps proches. Quand j'ai émis l'idée de revenir, je suis allé voir les uns et les autres. C'était vite acté. Ils avaient beaucoup tourné avec le ciné concert* et le disque qui a suivi. C'était le moment d'envisager de passer à autre chose, donc on s'est assez vite mis au travail, sauf qu'ils finissaient de tourner avec le disque précédent** donc on ne se voyait pas beaucoup.
Et, ajoute-t-il, il se trouve qu'à l'issue de cette tournée, finalement, alors même qu'on avait commencé à poser des chansons, Julien (Allanic), a dit qu'il jetait l'éponge parce que ça devenait trop compliqué de mener de front avec sa vie quotidienne.
À partir de là, dans les morceaux qu'on avait commencé à avoir, je faisais déjà un petit peu de basse et finalement Ricky et Etienne ont dit On continue tous les trois... donc pendant un moment on a même été quatre...
J'étais pas sûr qu'ils veuillent continuer dans cette configuration-là mais ça s'est fait tout seul. C'est juste qu'il a fallu, par contre, retrouver les réflexes, enfin... trouver de nouvelles habitudes. Je parle au niveau scène, explique Julien en référence à la charnière basse-batterie de longue date... le fait que Julien, c'est un bassiste incroyable et que moi je fais de la guitare... Il a fallu qu'on retrouve quelque chose et, finalement, on revient à quelque chose de relativement classique, avec chacun son rôle.
[ Pendant presque dix ans (...) les morceaux autour desquels on a construit les sets...
on a réussi à en écrire d'autres qui les remplacent dans leur fonction ]
Pour autant, au premier abord, dès les premières notes de tambourin, les premières lignes de basse et de guitare auxquelles viennent se greffer une mandoline, ce qui passerait pour une rupture avec le We Insist ! d'avant... ne survit pas à la premiere moitié du premier titre, Digital Fingers Glory...
Le son est certes plus rond, mais l'énergie est bien intacte et on retrouve rapidement leur marque de fabrique, une résidence de préparation avant la reprise des concerts le confirmant haut la main.
En quelque sorte, le trio opère un changement dans la continuité, récupère une voix supplémentaire, y ajoute des touches de piano, du violon, quelques interférences électroniques noise mais le doute n'est plus permis lorsqu'arrive Liquide Rat Race, nouveau morceau épique qui ne peut que marquer les esprits.
Bin tant mieux ! lâche Etienne avec un grand sourire, à l'évocation de toutes ces petites inflexions, et du fait de devoir parfois écouter plusieurs fois le disque pour en saisir les tenants et les aboutissants.
Depuis Inner Pond (2001) et plus précisément Crude (2004), la réduction continuelle du line-up jusqu'à cette formation essentielle au rock, le trio guitare-basse-batterie, We Insist ! a toujours écrit, ici ou là, des titres qui pouvaient dérouter les fans de longue date, mais qui, à la longue, avec le recul, comme cela se produit dans de nombreux disques, peuvent devenir les morceaux jugés comme étant les meilleurs des disques en questions.
Crack the Code, Digital Fingers Glory et A Lesser Evil sont certainement de ceux-là.
Je ne me rends pas compte. On a la gueule dedans, commente Etienne.
Ce qui est nouveau sur le travail de scène qu'on est en train de faire en ce moment, dit-il dans les loges de Petit Bain au 3e jour de leur résidence, c'est que pendant presque dix ans il y a eu des espèces de bornes obligées dans les lives qui étaient des morceaux autour desquels on a construit les sets et qui sont tout le temps restés... et là, on a réussi à en écrire d'autres qui les remplacent dans leur fonction. Et ça fait vachement de bien, parce que ça permet d'avoir un set vraiment nouveau. Ce n'est plus la même conclusion plus les mêmes points d'ancrage, explique-t-il notamment au sujet de Half Awake et Early recollection qu'ils jouaient à chaque concert.
[ Devoir écouter un disque trois fois pour rentrer dedans...
pour moi ce n'est pas anormal ! ]
On a très peu de recul, renchérit Julien au sujet du processus de composition de ce disque. Devoir écouter un disque trois fois pour rentrer dedans, pour moi ce n'est pas anormal ! Ça arrive souvent et le fait qu'il y ait de la surprise, je suis content (…) parce qu'on se dit Tiens ! Si on essayait de renouveler l'affaire malgré tout... et tant mieux si c'est ce qui se passe ! C'est vrai que c'est difficile quand tu es le nez dedans.
C'est un drôle de calendrier, un album, explique Etienne.
... pour l''écriture... il s'est passé un et demi, précise Julien.
... pendant deux ans, on bosse sans que ça filtre, sans que personne n'ait une oreille extérieure. Ensuite, on se tape six mois de studio d'enregistrement, détaille Etiennel...
... une semaine de studio par-ci, par là, précise Eric.
... puis le mixage, machin chose, continue Etienne... Après il y a encore quatre ou cinq mois d'attente pour que le disque sorte... ... mais ça fait bizarre de se rendre compte que les gens, ils apprécient un disque, ils ont 45 minutes pour l'écouter... Nous, ça fait un an et demi qu'on est dessus, donc c'est difficile, conclut Etienne.
De fait, si Wax and Wane semble avoir un son plus rond, plus riche, moins sec grâce aux inserts de piano, de violon, de mandoline, de crépitations electro et de guitare plus acoustique, ce n'est pas une nouveauté puisque qu'on retrouvait déjà la rondeur et la puissance de la basse sur Crude et une certaine forme de chatoyance sur Imperial Catechism, Early Recollection et An Architect***.
[ Dans Crude, il y a déjà des morceaux...
avec des lignes de chant claires, avec une énergie très rock ]
Pour ce qui est du son plus rond, si c'est la bête qui sommeille en eux qui fait le dos rond, elle n'en reste pas moins sauvage... et ses dents sont tout autant acérées. À des années lumières en quelque sorte de la première mouture du groupe de rock progressif que certains ont pu connaître à l'heure des enregistrements au Triton, à Montreuil, à quatre, plus deux saxophonistes.
Avant le Triton, il y avait eu aussi trompette et trombone, s'amuse à rappeler Etienne.
Dans Crude, il y a déjà des morceaux avec des lignes de chant claires, avec une énergie très rock, se souvient-il. Derrière, il n'y a déjà plus le côté prog. On est en 2004. C'est le moment où le style commence à se trouver et s'affirmer. Avant ça, ensemble on a cherché un peu tous azimuths, concède-t-il. j'ai jamais réécouté Inner Pond, mais je suis sûr qu'il y a des trucs, je pense que je serais surpris... Tu serais surpris du son ! La vache ! lâche Eric. C'est le premier album produit qu'on ait fait. En fait, ça partait un peu dans tous les sens mais c'était propre. C'est un son hyper numérique, avec les racks d'effets de l'époque, renchérit Etienne.
Mais oui, vers 2004, on commence, je pense, à poser les bases de la direction dans laquelle on a envie d'aller depuis. Mais oui, on était six, cinq, quatre, trois... Il y a un socle, une direction, explique Julien. Avec les tournées, on a découvert quand même pas mal de groupes qui ont nourri les influences voulues au moment voulu. C'est vrai qu'au départ on était juste avec nos influences séparées avec ce qu'on écoutait à la maison, dit Eric.
Oui, c'est vrai que ça a unifié le truc, rebondit Etienne. C'est clair... Le fait d'avoir tourné avec 31 Knots pendant vingt jours, peut-être quinze, je ne sais plus... Le fait d'avoir rencontré Dyse, Bulbul, Beehover,... Tous ces groupes-là, c'est des groupes qu'on a tous aimés, avec la même passion, et donc, forcément, ça a créée un espèce ce socle…
Mais il y a eu aussi, on en parlait l'autre jour, Songs for the Deaf de Queens of the Stone Age... Quand c'est sorti... On était tous contents d'écouter ça... raconte Etienne. At The Drive-In, ajoute Eric.
À l'époque d'une interview pour la sortie de Oh ! Things Are So Corruptible, le groupe avait joué avec engouement le jeu du rapprochement de certains titres de leur disque de l'apoque avec des titres de groupes de référence... Se retrouvaient ainsi jetés dans la lessiveuse, aussi bien Pink Floyd, que Primus et Kyuss.
[ Le fait d'être moins nombreux...
ça laisse plus de place à la dynamique, à la puissance ]
Autant d'influences extérieures qui ont fait réfléchir plus d'un groupe, et qui donnent peut-être quelque part le courage de se jeter à l'eau pour proposer des choses plus extrêmes. Ça ne se transforme pas aussi rapidement que ça quand même, nuance Etienne qui décrit un processus organique. Ce n'est pas de manière consciente, je pense, ajoute Eric. C'est un fond de trucs qu'on va peut-etre analyser de loin, comme ça, maintenant, avec beaucoup de recul. Mais sur le moment, on ne se pose vraiment ces questions-là. On a toujours dit... On fait la musique qu'on sait faire, et la musique qu'on fait, on ne la réflechit pas. En tout cas, sur l'apport de la voix, ça nous confirmait dans une direction qui était importante pour nous, ajoute Julien. On était quand même plus instrumental au départ et petit à petit, on savait qu'on voulait poser de la voix. Dans la direction dans laquelle on allait, on savait que ce n'était pas évident de mettre de la voix dessus... et bin ça confirmait que c'était possible. Ensuite, le fait qu'il n'y ait plus de saxophonistes... dit Etienne. Forcément... ça a durcit les choses. … Il y a moins de parties instrumentales. il y a plus de place pour le chant. Le fait d'être moins nombreux, ça laisse plus de place à la dynamique, à la puissance.
Confirmation évidente à l'écoute des disques qu'ils nous offrent depuis quelque temps et des titres, sur Wax and Wane, comme le très dansant... All Modulors et l'hallucinant No Cockaigne for Young Men.
Depuis, tout ce temps, ces disques sortis, ces heures sur la route, celles passées à répéter, à enregistrer, il serait logique d'imaginer quels processus est devenu aujourd'hui plus simple, plus fluide, moins un chemin de croix et plus une aventure.
[ Je suis très heureux d’avoir pu à nouveau travailler avec eux..
je leur ai vite redonné le sourire et ça j'en suis très heureux ] (Fred Martin-Bouyer)
Le processus d'enregistrement en live, en studio, on l'a toujours fait et c'est sûr qu'avec les années c'est de plus en plus facile. Globalement, on est plus à l'aise qu'il y a dix ans, reconnaît Etienne.
On enregistre tout de la même façon, rien n'a changé, on fait les parties instrumentales en live. On rajoute quelques re-re et ensuite on fait les voix. De ce point de vue-là, il n'y a rien qui ait changé. C'est juste qu'on a un peu plus l'habitude. Après, il y a les aspects techniques des choses qui ont fait qu'on a re-mixé tout le disque mais ça change pas le processus, raconte Etienne, en référence au fait que le groupe, une fois fini leur séjour dans le studio Kerwax, a fait appel à l'ingénieur du son du Studio Nibiru avec qui ils avaient déjà travaillé avec succès sur le précédent disque.
Je suis très heureux d’avoir pu à nouveau travailler avec eux, confirme également de son côté Fred Martin-Bouyer.
L'expérience commune du précédent album ajoutée à la confiance du groupe a permis de tenir les plannings, qu'Etienne évoquait.
Moi, j'étais dans mon timing, dit-il. Il me faut environ 10 heures par morceau pour sortir quelque chose de fini. Six ou sept heures pour faire un premier mix, et quelques heures pour les modifs qui viennent après discussion. J'avais environ un mois de deadline, j'étais à temps plein dessus donc pas de stress. Je m'inquiétais juste de savoir si c'était bon, et si c'était cohérent tout au long du disque, explique l'ingénieur du son.
Le groupe, lui par contre, était tendu au début, car ils étaient un peu dans la mouise mais je leur ai vite redonné le sourire et ça j'en suis très heureux.
Ce disque est différent du précédent pour plusieurs raisons. Sur le précédent, j’avais également effectué les prises de son et travaillé avec eux sur la réalisation. Pour celui-là, les difficultés d’agendas respectifs ne le permettaient pas, mais ils m’ont tout de même confié le mixage.
L’autre raison, c’est que le line-up a changé. Cela a une incidence sur les choix artistiques, sur l’équilibre du son. De plus, les morceaux sont assez différents du précédent album (...) mais la patte et l'univers We Insist ! sont bien là, confirme Fred Nibiru.
Le travail du mix aura été d'autant facilité par le fait que le groupe et lui se connaissaient, normal.
J'ai de la marge dans la mesure où on est très facilement d'accord sur ce qu'il faut, explique-t-il J’ai beaucoup échangé avec eux durant la phase de mixage, et on est assez vite tombé d’accord sur la couleur qu’il fallait donner à ce disque. En règle générale, je leurs rends une première version d'un morceau, et c'est souvent déjà ce qu'ils imaginaient, en terme de spatialisation, de choix des ambiances ou de reverb. Ils me demandent ensuite quelques retouches par endroits qui leur tiennent à coeur.
Sur ce disque, j'ai retravaillé, ré-ampé, la basse qui ne les satisfaisait pas entièrement en sortie de studio, et parfois retravaillé entièrement certains sons de guitare pour les rendre plus agressifs (...) en rajoutant de la saturation ou en ré-amplifiant certaines prises. Par exemple, copier une piste de guitare et la passer dans une saturation pour doubler la prise originale et l'épaissir (...) Eric en était ravi, ajoute-t-il.
Les morceaux étant plus aérés en fréquences, beaucoup de guitares haut-perchées, ciselées, et un peu moins de murs d'accords, la basse est naturellement plus distincte.
L'une des grandes différences avec le disque précédent également est que le processus de mixage s'est effectué en 15 jours d'affilée, alors que le disque précédent s'est fait sur un an par sessions de trois morceaux tous les 3 mois.
[ Je trouve que celui-là sonne presque mieux que le précédent...
je trouve le mix super super réussi ]
On a voulu faire autre chose, on a voulu aller ailleurs, justifie Eric. On aurait très bien pu refaire un disque avec Peter Deimel (au studio Black Box d'Angers) et je pense que là ça aurait roulé clairement beaucoup plus vite. On a voulu faire autrement et oui c'était pas facile ! C'est aussi de notre fait. En revanche, au final, souligne Etienne. Il faut quand même le noter la qualité sonore du disque !
C'est le même mixeur... il a mixé les deux et les deux sonnent super bien... J'aurais même tendance à dire... et là, on revient aux qualités, ou non... en tout cas, il y a une certaine patte du son des prises de Kerwax. Et je trouve que celui-là sonne presque mieux que le précédent...
... probablement parce que dans le processus d'enregistrement, il y a une autre qualité sonore. Il y a des défauts qui ont été durs à corriger mais il y a aussi une qualité... et du coup, je trouve le mix super super réussi. Sept albums, donc que We Insist ! creuse le sillon d'une musique qu'ils restent un peu les seuls à faire aujourd'hui... Yapuka déguster et en profiter.