12 sept. ~ Wellbird ~
l Wellbird l Menu l
Il fut un temps où le studio était le lieu bénit de la création, où les artistes créaient, arrangeaient des chansons, composaient et réalisaient ce qu'ils présenteraient ensuite au public sans fard. Puis le magnéto à bandes à laissé la place aux possibilités démultipliées des pistes informatiques étirables, sécables, rubix cubables, ouvrant la porte à toutes les possibilités dont celle, effrayante, pour certains, de voir arriver jusqu'à nous des albums que l'artiste n'est pas capables de jouer sur scène.
D'aucuns diront que tant qu'un disque peut être apprécié pour ce qu'il est... un moment de musique enregistrée et écoutable, c'est déjà bien.
J'ai cet ami fan de musique qui ne supporte pas d'aller s'enfermer dans une salle de concert pour profiter du volume sonore et de la performance live... quand l'artiste sait en donner une version non-decalquée sur la version propre issue d'une session studio. Je continue à trouver ça dommage, de se priver, quand il existe, de ce moment où l'artiste lui-même doit lâcher la rampe, enlever les petites roues de sa bicyclette et entré dans l'arène.... Par contre, pour ce qui est de l'énergie dégagée par des musiciens en chair et en os, et de l'énergie du live, ce moment un peu particulier où les fréquences se démêlent toutes seules... quand l'artiste, et l'ingénieur du son, savent en donner une version travaillée et audible*... le problème risque d'être réglé dès début 2018 en France avec une législation limitant le volume des concerts, un texte moins poétique, imaginé ou poussé à la vie par quelques gratte-papiers plus durs de la feuille que du stylo et dont la perception de la musique semble se limiter à celle dite de chambre. Il est toujours un peu triste que sous couvert des excès d'une minorité des choix soient faits qui nuisent au plaisir d'un plus grand nombre, et ceci sans parler du clientélisme qui finit par valider la gentrification des certains quartiers sous prétexte d'une paix des ménages et de voisinages qui ont décidé de s'installer dans dans des zones citadines à loyer modéré du fait, justement, de l'ébullition d'une vie nocturne qu'ils condamnent peu à peu au silence du fait de leur intolérance au bruit. Mais ceci est un autre débat.
Pour ce qui est de la composition studio, pour des raisons économiques, rares sont ceux qui peuvent aujourd'hui jouir de ces longs mois au cours desquels un groupe de musiciens s'enfermait dans une boîte pour en ressortir comme des diables avec une musique qui lui était attribuée.
Si la technologie (Pro Tools, Logic, Cubase, pour ne pas les citer, ...) a changé la donne, il reste tout de même des artistes qui recherchent ce frisson de l'enregistrement, plus ou moins, spontané... par fois par souci d'économie, de temps et d'argent, mais aussi pour l'électricité qui se dégage de telles sessions...
C'est là que se mesure le talent d'écriture et de composition de l'artiste. Alors quand ils sont plusieurs, à être talentueux, et à rechercher ce frisson... ça donne, par exemple, Wellbird, et ce disque, qui, par le menu, réunit autour de la table (de mixage) Nicolas Puaux de Narrow Terrence, Jean-Marie Paillard d'Erevan Tusk, et Sammy Decoster, sorte de Zébulon qui officie sous son propre nom, ou au sein de groupes divers et variés tels Verone, Facteurs Chevaux, Fredda, ... le tout sous l'impulsion d'un de leurs dénominateurs communs, Alexandre Viudès, batteur émancipé jouant ici le rôle d'entremetteur chef d'orchestre.
Le résultat est donc ce que l'on appelle bel et bien, au propre comme au figuré, un super groupe puisque les carrières de chacun des musiciens, auteurs, compositeurs impliqués sont truffées de disques plus que recommandables.
Cet instant récréatif leur a permis de donner vie à des envies de textes et de mélodies qui ne trouvaient pas place dans leurs projets respectifs, de libérer l'air de rien quelques soupapes...
Il y a toutes les chances qu'au delà de l'idée, ils n'aient pas vraiment su eux-mêmes quel serait le résultat, sauf peut-être Alexandre.
Le résultat est un album riche aux sonorités orchestrales qui ne le sont pas moins. Le résultat est tellement construit, qu'il fait peur, peur justement de ne pas trouver la possibilité d'exister sur scène sans l'aide d'effets multiples qui masqueraient les défauts de la relative rapidité avec lequel le projet a vu le jour... Ce serait sans compter sur ce qui fait un super-groupe, la qualité de ses musiciens... comme le montre une session acoustique sans filet filmée par le Cargo !
Le résultat est surtout un disque, court, mais qui n'en reste pas moins un album cohérent où s'expriment toutes les individualités, avec ombres et lumières, plongées sombres et psychotiques comme chez Narrow Terrence et vols planés pop extatiques, comme chez Erevan Tusk et Sammy Decoster.
Si le clin d'oeil à la cheville ouvrière des meilleurs morceaux des Red Hot Chili Peppers reste à l'état de morceau d'introduction au sept qui suivent, ce disque transpire d'une certaine folie qui leur est propre... Il est possible néanmoins qu'un peu de John Frusciante soit caché dans les recoins de Temptation, qui referme cet épisode de création débridée qui n'aura peut-être pas de suite mais qui aura le mérite d'exister maintenant qu'il a été immortalisé.
* ah le terrible écueil de ces disques enregistrés bien au chaud mais qui craignent les courants d'air de la scène et dont les grands froids de la vraie vie ont un impact sur les capacités érectiles de certains projets