03 sept. ~ Thee Mysterious Asthmatic Avenger ~
l Thee Mysterious Asthmatic Avenger l
(Mise à jour sur la base d'annotations faites sous le sceau d'un anonymat masqué)
Bienvenu(e)s dans le temple du bricolage, de l'ingéniosité et de l'autarcie musicale. Le regard porté sur les One Man Bands oscille souvent entre amusement et incrédulité avec une touche de dédain. C'est pourtant une scène vivace avec ses héros, mi-dieux, mi-Géo Trouvetou.
C'est sûr que si la référence française reste scotchée à Rémi Bricard, le point de départ peut être relativement biaisé... alors que la France compte son lot d'adeptes et d'artistes, souvent dans une veine folk-lo-fi-punk et rock'n'roll garage... Une scène prolixe qui a longtemps tourné autour de deux événements et labels de référence... Le Cosmic Trip, la Roller association, et Banana Juice, qui fête cette année ses 25 ans !
Les noms de Petit Vodo, King Automatic, Rotor Jambreks, viennent à l'esprit, entre autres, tout comme Tequila Savate, Grand Guru, Fredovitch One Man Band... et Thee Mysterious Asthmatic Avenger !
… bien sûr la scène internationale, essentiellement américaine, comme souvent, offre son lot de références... de Reverend Beat-Man, à Bob Log III, en passant par Daniel Johnston dans une certaine mesure, Al Foul, …
L'histoire commence plus ou moins à la fin des années 80, dans les locaux de la station FM alternative tourangelle, Radio Béton... un vrai nid de férus de musique rock'n'roll, punk, garage et sixties. C'est la naissance de deux groupes en particulier... le Mini Cooper Gang et Thee Vibrafingers.
Mais pour Patrick Krokus, le Clark Kent sous le masque du vengeur masqué, la vérité est ailleurs. Une irrépressible envie de monter au front pour défendre l'honneur du musicien isolé et mal-aimé qu'est l'homme orchestre, réhabiliter le yodl et porter la bonne parole et la bonne haleine du culte du Zarghlisme, le poussent à se choisir une double, voire triple identité.
À un moment je trouvais ça chiant de mettre autant d'énergie dans un groupe et à un moment de devoir repartir à zéro avec les changements de musiciens, etc...
Donc, je suis revenu à mes premières amours, aux années 50, punk et sauvage... se souvient Patrick, citant avant tout l'un de ses héros personnels, Hasil Adkins (1937-2005) qui faisait la synthèse de tout ça, auteur de plus de 7.000 chansons et interprète de plus de 2.000 reprises, selon la légende...
Je lui ai écrit... et il m'a répondu !!! s'exclame-t-il une pointe de fierté dans la voix.
J'ai des lettres de lui !!! Il enregistrait tout seul chez lui sans vraiment avoir les bases... pour arriver à quelque chose qui va révolutionner la musique... Je me suis dit, j'ai des guitares, des micros de merde, des cassettes...
Mes premières démos ont été faites sur un deux pistes à bande Sony des années 70 avec des micros pourris achetés 15 francs chez Mammouth.
Avec les technologies actuelles, la scène évolue et pointe tout de même une certaine nostalgie d'une époque où le Do It Yourself avait tout son sens. La technologie, les réseaux sociaux et des techniques d'enregistrement qui amusent mais n'intéressent pas plus que ça notre pourfendeur de la marque du bon goût, façon années 50.
La scène des One Man Bands est une scène... qui a beaucoup bougée depuis quelques années. Les réseaux sociaux ont beaucoup aidé, admet-il.
Avant, on pensait qu'on était pas beaucoup. Il y avait un microcosme autour de la scène garage (…) Il y avait Reverend Beat-Man, Bob Log III commençait. C'est un phénomène qui s'est développé. Il y a quelque chose d'un peu sociologique . On vit dans une époque où tout devient plus individuel... résume Patrick, entre constat et regret que les gens soient de plus en plus amenés à faire les choses tout seuls.
Mais la raison d'être du loup solitaire ou du vengeur masqué est ailleurs, comprend-on.
Il revendique avant tout une certaine liberté par rapport aux règles de la vie en groupe et renouvelle son attachement à ce DIY qui n'est pas différent de ce qu'est devenu le home studio aujourd'hui.
Je suis resté assez fidèle aux méthodes d'enregistrement d'époque, sourit-il.
J'ai toujours un Studio Portable Tascam à cassette, un système d'enregistrement vintage, pratique comme support.
Aujourd'hui, y en a qui cherchent à avoir ce son avec la technologie, avec des plug-ins qui imitent, ajoute Patrick, qui en rigole en disant que lui, il a simplement le matériel qui fait que ça sonne comme ça sonne.
J'essaie de me rapprocher de ce qu'a fait Hasil Adkins, explique notre super-héros local, qui avoue néanmoins aussi être passé à des petits trucs numériques. Mais néanmoins, le son au casque pendant l’enregistrement est quasiment le son final !, tranche-t-il.
Le traitement post-enregistrement m'embête. Je sais ce que je veux dès le départ.
À une époque, j'enregistrais avec zéro déchet. S'il fallait plus de trois prises c'était pas la peine ! Il peut y avoir des pains mais ça fait partie du truc. Parfois des pains ça aide à créer un flux.
Un état d'esprit qui passerait presque pour anachronique auprès de professionnels de la profession mais qui reste une scène beaucoup plus vivace qu'il n'y paraît, pour le profane.
Patrick cite à ce propos la référence en la matière... Dave Harris, qui a fait bouquin sur le One Man Band tous styles confondus*.
… auquel on peut ajouter un documentaire intitulé Let Me Be Your Band (2000) dans lequel le Tourangeau apparaît.
Je faisais une conclusion débile... je sortais de la nourriture d'un frigo... évoque-t-il.
J'ai rencontré des gars par la suite qui m'avaient vus dans le reportage. Ça les a super marqués...
Aujourd'hui t'as 800 personnes sur Facebook, avant il fallait aller à la poste, envoyer un fax...
Si j'avais tout à refaire, ce serait de manière complètement différemment, avec d'autres moyens... mais j'essaie de continuer comme ça. La diffusion maintenant, c'est pas la même école. Je suis un peu nostalgique des cassettes démos envoyées comme des bouteilles à la mer, conclut-il, ajoutant néanmoins, les réseaux fonctionnent encore... même si ça veut dire une diffusion pas super large (...) Ça ne m'empêche pas de faire des tournées à l'étranger régulièrement.
Ça ne me gêne pas particulièrement cette diffusion... ajoute-t-il. Je pourrais facilement faire un site, mettre en ligne etc... D'autant que professionnellement je suis webmaster mais ça, précisement, ça ne m'intéresse pas.
J'aime bien rester mystérieux, rester dans ces réseaux tout ca.
Mais derrière le fait-maison et le bricolage, derrière le masque, derrière les pitreries, une leçon simple et d'humilité trône... ne pas être sérieux requiert une bonne dose de discipline.
Oui c'est sûr ! Je suis quelqu'un de super rigoureux dans tout ce que je fais, même si c'est balancer de saucisses... nous dit l'auteur de l'inénarrable Knacki Murder et de la Choucroute MAA, dont la grosse caisse favorite est une valise ramené d'Allemagne lors d'une tournée avec Lightning Beat-Man.
Ça demande une organisation et une rigueur supérieure à un groupe de blues classique qui a répété et qui joue ses titres. C'est pas du dada, ça demande de la précision, il faut que tout l'attirail soit prêt (…) même si le show est basé sur le temps présent...
T'es un groupe tout seul alors que les autres, il y a un mec au son, quatre musiciens, un autre qui va conduire le camion, un pour la promo, le mixage, énumère ce troubadour aux histoires plus fantasquites les unes que les autres... The True Story Of Pedro The Chiken, Jesus is walking on water, Rock And Roll Killed My Mother et vice-versa.
Techniquement, il n'y a pas de limite !!! Il y a ce mec qui joue du banjo au picking, qui fait du bluegrass et il chante, il joue de la basse au pied et il anime une marionnette ! C'est très classique techniquement mais jouer du bluegrass en picking c'est déjà un truc ! Là en plus il chante et fait la basse et anime une marionnette !!!
Thee Mysterious Asthmatic Avenger, lui, choisit de s'entourer quand il faut. Il y eut les Bronchitik Smokers, Miss Pneumonia Hortense Blutchinson,... ces temps-ci ce sont plutôt les Good Old Boys...
Pour le live, il faut faire autre chose... Avec les Good Old Boys, c'est banjo, washboard, contre-bassine, mégaphone... c'est en version portable... On a une carte blanche de Banana Juice (pour leur 20 ans)... Comme ça on peut jouer trois, quatre heures...
Ces formules de One Man Band à têtes multiples donnent toutefois parfois lieu à des enregistrements... pour une disco-cassetto-graphie qui commence à être conséquente...
On vient d'enregistrer 22 morceaux en deux jours avec les potes des Good Old Boys, dont un qui faisait partie des Bronchitik Smokers...
Le CD sortira quand on sera tous d'accord... Je mets un peu d'eau dans mon vin, je leur demande leur avis. Ça sortira dès qu'on pourra le sortir.
Il y a un 45trs , un album avec les Wax Loves en 25cm, beaucoup de cassettes, même des cassettes de dictaphone !. J'ai même fait des interprétation à la demande... énumère-t-il. Et puis une compilation, en CD**, avec Euthanasie... Ça devenait difficile de tout trouver. Sur la compil, il y a 28 morceaux, plus un live aux 24 heures du Punk, dont il garde un souvenir amusé à voir la tête du public à l'écoute des reprises piochées dans un répertoire qui, pour ceux qui le connaissent, appartiendraient plus aux Vibrafingers qu'au vengeur masqué.
… c'est comme ça aussi que j'ai Stéphane Deschamps des Inrocks sur un titre à l'harmonica. Sur certains morceaux, j'invitais des gens, je mettais le quatre pistes sur la table, je distribuais les rôles et j'enregistrais...
Alors Thee Mysterious Asthmatic Avenger, super-héros ou super-loser ? Quelle est sa mission ?
J'ai fait ce titre Natural born looser avec les Vibrafingers, donc les deux à la fois ! La culture du loser est un truc à diffuser. Tout ce rock lo-fi trash qui s'en branle de la complexité qui tue.
Sa mission ? C'est d'envoyer... et de diffuser le folk au sens premier. C'est une quête noble peut-être, même... celle du punk à une certaine époque.
*Head, Hands, & Feet : A Book of One Man Bands