02 sept. ~ Orchard ~
l Orchard l Serendipity l
Le label Ici, d'Ailleurs a vingt ans !! L'écurie nancéienne s'est forgée une image de marque enviable avec des signatures indépendantes de qualité, des rééditions de choix et, même si ce n'est pas tous les jours le printemps, le label a été l'instrument de la renaissance, l'opportunité d'une nouvelle maison, ou tout au moins d'une saine alternative pour de nombreux artistes de feu-Lithium et Labels.
D'Amor Belhom Duo à Zëro, en passant par Barth, Bästard, Thomas Belhom, Bed, Bruit Noir, Chapelier Fou, Sylvain Chauveau, Deity Guns, Diabologum, EZ3kiel, Gablé, Headphone, Kas Product, Les Marquises, Mendelson, Michel Cloup Duo, Arnaud Michniak, The Married Monk, Nonstop, Programme, Julien Ribot, Yann Tiersen... pour ne citer -par ordre alphabétique- que certains des artistes made in France qui figurent au catalogue... il y a de quoi avoir le tournis.
Mais... à côté de ça, ils ont régulièrement eu l'idée et surtout l'envie, si ce n'est le courage, de proposer des projets d'hybridations, de rencontres, tous plus audacieux les uns que les autres qui abattaient allègrement les frontières, et pas seulement géographiques.
Il y a eu Numbers Not Names, un projet à double batterie, machines, MC, réunissant le bien connu Jean-Michel Pirès*, Chris Cole (UK), Alexei Casselle (USA) et Oktopus (USA)... en 2012.
Avant cela, cependant, il avait eu une série de créations musicales imposées et auto-contraintes dans la lignée de ce que la littérature appelle un OuLiPo, ouvroir de littérature potentielle. The Third Eye Foundation, Rubin Steiner, Kid Loco, entre autres, s'étaient pliés au jeu de ces OuMuPo, musicaux donc.
De même, il y eut This Immortal Coil, qui organisait le croisement d'univers a priori aux antipodes les uns des autres, avec Yaël Naim, Christine Ott, Chapelier Fou, Sylvain Chauveau, DAAU, Matt Elliott, Oktopus, Will Oldham, Yann Tiersen,... dans un album intitulé Dark Age of Love, à l'heure où -le hasard et la cosmogonie, tout ça- Danger Mouse élaborait son Dark Night of the Soul, beaucoup plus pop que ce qui sortit des studios DeadVerse**.
[ Huitième carte postale sous l'étiquette Mind Travels ]
Les bonnes idées étant faites pour être reconduites, cette fois-ci, c'est le projet Orchard qui vient à nous... comme l'hiver arrive pour d'autres...
Huitième carte postale sous l'étiquette Mind Travels, il nous est offert ici une rencontre du vent, de l'eau, la terre et le feu qui marie avec grâce une inspiration classique et des vibrations expéri-mentales... qui illustrent à merveille le double sens donné à cette série d'invitations au voyage, Ici et Ailleurs, initiée en 2014.
L'idée de mêler, voir confronter, contemporanéité et histoire de la musique sous sa forme la plus classique, n'est pas née d'hier. Déjà dans les années 60-70, les plus inspirés allaient déjà puiser dans les répertoires de leurs prédécesseurs... C'était simple en fait ! Avant 1950, qu'y avait-il d'autre de potentiellement inspirant pour les groupes psychédéliques que la folie d'orchestrations classiques ou/ou baroques... Procol Harum, The Moody Blues, Ray Manzarek,... montrez le chemin !
Mind Travels ne propose finalement pas autre chose... si ce n'est de confronter des musiques encore plus distantes en termes d'époques...
De cette sérendipité organisée, cordes, vents, peaux tendues et assiettes cuivre et de bronze dessinent en cinq mouvements un paysage crépusculaire mis en abyme par les images du talentueux photographe du silence et de la décomposition qu'est Francis Meslet.
Entre ciel et terre, ce verger, qui n'est autre nous dit-on que celui du patron du label, est habité -à juste titre donc- de l'esprit insufflé par les guitares en suspension d'Aidan Baker, par les brises et bourrasques du violoncelle de Gaspar Claus*** et des clarinettes de Maxime Tisserand. Dès lors, la batterie de Franck Laurino intervient un peu comme l'interprète qui permet au classique et à une forme de post-rock de se comprendre et de s'accepter l'un l'autre.
... la pluie à verse qui tombe par la fenêtre à l'écoute du disque, et de la mise en forme de ces quelques lignes, donne à la musique une dimension surréaliste supplémentaire, comme si la nature voulait rappeler qu'elle a son mot à dire.
Qui pour la contredire ? Certainement pas les quatre musiciens victimes de cette Serendipity, d'ailleurs, d'ici.
* NFL3, The Married Monk, Prototypes, Bruit Noir, Bed, Headphone, Sébastien Schuller, Boulbar, Mendelson...
** base arrière d'Oktopus pour nombres de projets proto-hip-hop Oddateee, Dälek, Iconaclass...
*** à retrouver avec Serge-Teyssot-Gay sur le projet Kintsugi