13 août ~ Gainsbourg
l Gainsbourg l Aux armes et caetera l Mauvaises nouvelles des étoiles l Versions dub l
Génie et avant-garde sont les cousins de la curiosité et de l'ouverture d'esprit et sont les empreintes singulières de personnalités dont les qualités ne sont reconnues le plus souvent par le plus grand nombre bien longtemps après la disparition de l'individu lui-même.
Décrié autant qu'adulé de son vivant, un artiste finit toujours par faire une comique relative unanimité après un certain temps... et la réponse de Serge Gainsbourg sous la forme d'un cinglant On n'a pas le con d'être aussi droit à l'encontre de quelque esprit chagrin se révoltant contre son adaptation jamaïcaine du féroce hymne national français illustre très bien autant le propos de l'artiste provocateur qu'il était que l'insondable inspiration d'un Lucien né Ginsburg qui se rêvait peintre avant de tomber en amour pour cet art qu'il qualifiait malicieusement de mineur et auquel il a tant apporté, directement et indirectement, en France comme à l'étranger*.
Il n'est pas ici question de faire l'hagiographie ou autre page wikipedia de l'auteur, compositeur, interprète, pianiste, peintre, écrivain, acteur et réalisateur sur lequel tout a été dit, mais juste de revenir avec délectation sur l'idée non dénuée d'arrière-pensée commerçante d'un gros label qui publia en 2003 deux versions, DJ et dub, des albums Aux armes et cætera (1979) et Mauvaises Nouvelles des étoiles (1981) enregistrés dans les légendaires Dynamic Sounds Studios de Byron Lee, à Kingston, et les Compass Point Studios de Chris Blackwell, à Nassau.
Génie et avant-garde, pour un fils d'immigrants russes juifs fan de Boris Vian, qui aura tâté, et emprunté, durant sa carrière, autant du jazz, que de la musique classique**, du funk, sans parler du rap, de la musique caribéenne... il aura su travailler avec LA paire, LA rythmique du reggae, Sly Dunbar et Robbie Shakespeare... crédités sur plus de 2.000 disques... de Johnny Clarke à Horace Andy, en passant par Sugar Minott, Grace Jones, Baobab, nombre de groupes de rap et rage français, Sinéad O'Connor, Michael Franti (Spearhead, ex-Disposable Heroes of Hiphoprisy), Bob Marley et Peter Tosh bien sûr, et même Bob Dylan... Les choeurs sont bien évidemment assumés par les immenses I-Threes, à savoir Judy Mowatt, Marcia Griffiths, et Rita Marley.
Aucune idée quant aux raisons qui ont fait qu'il aura fallu attendre 12 ans après la mort de Gainsbourg devenu Gainsbarre pour aboutir à la publication effective de ce qui est un rite jamaïcain... faire des versions dub des titres reggae à succès, les autres aussi pour sound-systems et DJs.
Le résultat, orchestré par Bruno Blum, spécialiste du genre, respecte la tradition et livre quelques inédits, sur vinyle uniquement, parfois jusque dans les titres eux-mêmes comme dans le Dub des stups où surgissent des paroles enregistrées à l'époque, mais oubliées dans le morceau publié sur l'album original, des ponts musicaux inédits... tout en respectant le dogme qui consiste à n'utiliser que les bandes originales, sans ré-enregistrer, ni ajouter; quoi que ce soit... sauf, dans le cas présent, des bongos sur le Negusa Dub. Le reste est pur vintage et overdub free & strictly roots, de ce que j'en ai compris.
Pour les plus audacieux ou simples aficionados, pour compléter la logique des versions dub, les versions DJ offrent un complem de version dancehall et de rub-a-dub dont certaines rendent difficile de résister à l'envie de monter le son et lever les pieds et agiter les bras en rythme. Sans parler du sourire à entendre Augustus Manley Buchanan, aka Big Youth, mettre la Marseillaise au diapason.
* comme s'il était besoin de citer Taxi Girl, Air, Jarvis Cocker, Dan the Automator comme Beck (Hansen), Mike Patton, Portishead ou David Holmes...
** Chopin, Dvorak, Brahms, Beethoven... et Rouget de Lisle, une idée d'emprunt au classique déjà largement répandue dans les années 70 et dès le Summer of Love... puisque mine de rien c'était à peu près la seule école musicale significative et séculaire à précéder l'avènement des musiques actuelles, plus tard le rap, l'electro, etc... auront beaucoup plus de registres dans lesquels piocher...