02 août ~ Traditional Monsters ~
l Traditional Monsters l Push the Panic Button l
(correction de la ville d'origine de Dick Turner)
Il se dit que lorsque les meilleurs Américains meurent, ils vont à Paris, clame Lord Henry dans le Portrait de Dorian Gray, d'Oscar Wilde.
Ce n'est, grands dieux, pas l'idée qu'avait en tête Dick Turner lors de son arrivée en France... venir y mourir... et du coup de fil en aiguille, un groupe de rock est né !
C'était il y a plus de vingt ans, le 18 janvier 1996 à 7h du matin !... et l'artiste jusqu'au bout des doigts qu'il est, n'a eu de cesse depuis de s'exprimer... sans s'embarrasser d'aucune forme de conformisme... lui qui pianote, joue surtout du trombone, de la flûte à bec aussi, mais réalise aussi des films et de la peinture, qui lui permettent, littéralement, de peindre et dépeindre une vision du monde entre dadaïsme et art brut.
Alors lorsqu'il se lance dans l'exploration de la sphère rock, le résultat de la rencontre avec Emiko Ôta (Fantazio, Emiko & KiriSute Gomen, Don Cavalli, ...), Axel Monneau (Orval Carlos Sibelius, Centenaire, Kimmo, ...) et Arnaud Caquelard (OCS, BigPants, Sueellen, ...) débouche naturellement sur un univers forcément hybride, ne serait-ce qu'au regard de l'éclectisme de cet aréopage musical, réunit autour de cet instrument atypique qu'est le trombone, surtout dans le rock... à moins de parler de Frank Zappa, of course.
La musique de Traditional Monsters oscille entre pop et glam, mâtinée de post-punk, et gagne en puissance, justement, à cause de ce trombone, pour au final des ambiances qu'il serait plus facile de ranger dans une case art-rock... une sorte de freak show musical dont l'étiquette renvoie à ces monstres folkloriques japonais appelés Yokaï.
Mais, en soi, le rock n'est pas le premier mode d'expression qui est venu à l'esprit de cet Américain de Philadelphie, venu chercher dans le chant et la composition une manière directe d'interpeller les gens, sans intermédiaire.
Pendant très longtemps, j'ai composé de la musique classique, ou plutôt, de la musique écrite, raconte-t-il, en donnant un aperçu de son travail dans axe-là.
Je crois que la différence entre la musique classique et la musique rock, c'est que la musique classique est fondé sur le principe de ce qu'Arnold Schönberg a appelé la variation continue (continual variation), c'est-à-dire le développement dans tout les sens (thématique, harmonique, formel) et la musique rock, pop, etc... est fondée sur le principe d'intensification par la répétition. Quand, je compose les chansons, j'utilise presque toujours des accords dits tonaux et les textes sont très importants... Par contre, quand je compose de la musique classique, je pense toujours aux intervalles et au développement des motifs musicaux...
Donc, une grande partie de ma culture musicale personnelle vient de la musique classique. Ça s'entend dans les versions solo de mes chansons je crois.
Et c'est en solo, justement, et sur scène, qu'a débuté l'aventure de ces chansons.
J'ai commencé à chanter en solo avec playback sur CD, avec mon trombone, au Pop In en décembre 2005. À l'époque, David Yaya Herman Düne et Peter Boesch faisaient la scène ouverte les dimanches, se souvient-il. Puis, en 2009, Joe et Mikka du groupe Lapin Machin m'ont proposé de m'accompagner pour deux chansons lors d'un concert... La vie est souvent composée de détours qui deviennent permanents !
Alors, la première fois que j'ai chanté avec une guitare électrique et une basse, ça produisait sur moi un effet très intense. C'était comme si je conduisais une voiture de sport à 200km par heure, donc j'avais envie de continuer !
De cette expérience est née mon premier groupe Schrödinger, qui a duré un an et demi. Puis en 2011, notre bassiste Arnaud Caquelard m'a proposé de jouer ensemble, avec le guitariste Axel Monneau pour voir ce que ça donnait.
On était satisfaits du résultat... puis on a trouvé Emiko Ôta pour la batterie... et voilà !
Plus prosaïquement, Dick Turner compose, comme il crée, au kilomètre, ou au mètre carré, si on devait parler peinture.
À ce sujet, il botte en touche et refuse de voir ou d'établir un parallèle entre son processus de création musicale, rock, et ses peintures, ... mais il n'y a qu'à regarder la longue liste de tableaux qu'il a faits depuis son arrivée en France et qui sont dans ses placards... La variété des expressions picturales dans lesquelles il évolue, art brut ici, figuratif à l'italienne là, abstrait, etc... Il est plutôt facile d'y voir quelques effets miroir.... sans parler du coup de la longue liste de titres encore dans les tiroirs...
... Je suis frustré seulement quand je n'ai pas d'idées en tête ou de projet spécifique à faire... Peut-être est-ce pour cette raison que je fais de la peinture, et parfois un film... Si je n'arrive pas à faire une chose, que je puisse en faire une autre...
Mais, à proprement parler des chansons, telles qu'elles naissent, et germent pour finir dans le répertoire des Traditional Monsters,... toutes commencent avec une idée, un concept, que je développe, explique-t-il. Normalement, je commence avec les paroles, puis je compose la musique. Puis, je fais une maquette sur mon ordi, avec mon synthétiser Roland, que j'envoie au groupe.
Les arrangements, on les fait ensemble. Mes versions originales sont souvent très différentes de celles qu'on joue en concert, avoue-t-il, au sujet de compositions qui profitent, de toute évidence, en live, comme sur disque, du savoir-faire pop et rock d'Axel et de l'effet groupe.
Mais pour ce grand Américain de Baltimore, Maryland, le rock apporte surtout une forme de la liberté d'expression... ou d'expression décomplexée, peut-être, dit-il. Quant aux noms comme art rock, post-punk, etc... S'ils sont utiles pour nous situer dans le flux des groupes, pourquoi pas...
Quand on fait des chansons de rock on travaille avec les musiciens qui ont développé leur propre technique, concède-t-il, au regard d'un résultat dont les titres des EPS et de l'album enregistrés en sessions live démontrent surtout une efficacité redoutable...
Lucky Star, One Armed Man, Going to Pennsylvania, sont de vrais tubes rock en puissance... sans oublier de belles balades romantiques déphasées, comme When You're in Love... un univers musicale et textuel dont le côté surréaliste ne manque pas de ressurgir jusque dans les clips, bien sûr.