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13 juil. ~ Les Thugs ~


l Les Thugs l As Happy As Possible l

13 juillet 2008. Les Thugs montaient sur scène pour un dernier baroud d'honneur, dans le Marymoor Park, à Redmond (Washington State, USA), point d'orgue d'une tournée de non-reformation pour les 20 ans du label Sub Pop.

Ce concert venait boucler, près de dix ans après la décision du groupe de se séparer, une petite tournée avec préchauffe en France*, qui avait réveillé les ardeurs et les attentes des fans de la première heure et enchanté les plus jeunes qui n'avaient jamais vu, en France, comme aux Etats-Unis... ce qu'il convient d'appeler un groupe mythique, mine de rien.

Dans l'immensité du parc aux séquoïas non moins gigantesques, le groupe allait jouer sa dernière set-list, sous le regard attendri de Jonathan Poneman, l'un des deux fondateurs du label, entre Kinski, Foals et No Age...

Entre autres reformations de circonstance, plus tard dans la soirée, Mark Arm monterait sur scène, avec notamment Jeff Ament et Stone Gossard pour un revival dans les règles du tout aussi impressionnant Green River. Normal ! Quand on a la chance d'avoir fait partie de l'écurie porte-drapeau de la scène de Seattle et du grunge... ça se fête les 20 ans d'un label... qui pour la blague s'était créé en disant qu'ils voulaient régner sur le monde! Pas mal. Pas loin.

En France, comme à Seattle, le retour du groupe était bel et bien attendu...

Deux jours auparavant, dans l'attente d'un pré-concert, gratuit, devant la salle du Neumo's, sur Capitol Hill, des gens faisaient la queue pour voir les Frenchies... dont une personne avec un t-shirt du groupe angevin.

J'ai commencé a écouter quand j'étais au collège. Un jour, je leur ai écrit une lettre et ils m'ont envoyé ce t-shirt en cadeau.

J'étais super content de le recevoir ! Depuis cette époque, j'ai toujours voulu les voir mais je n'en ai jamais eu la chance… jusqu'à ce soir ! C'est vraiment excitant, témoignait le jeune homme, devancé de peu dans la file d'attente par un couple d'étudiants... venu du Texas.

Je crois que je les ai découverts grâce à la compilation d'Alternative Tentacles. Ils faisaient Moon Over Marin. C’était une compilation faisant des reprises des Dead Kennedys.

La chanson était vraiment super, très rock, donc je me suis dit Oh ! Voyons donc ce qu'ils font d'autres... et ensuite, il y a eu As Happy As Possible... et j'ai continué à les écouter, raconte le futur anthropologue, tandis que non loin de là, au comptoir de la Comet Tavern, deux potes commentent.

J'ai beaucoup traîné sur la scène de Seattle à l'époque. Je ne me souviens pas quand est-ce que je les ai vus... fin 80, début 90... C'est vraiment un des meilleurs groupes que j'aie pu voir sur scène. Je le mettrais définitivement à côté de groupes comme les Bad Brains, disait l'un d'entre eux, rejetant toute allégation d'un quelconque intérêt relevant du simple exotisme procuré par un groupe français.

La dynamique et les harmonies qu'ils jouent... ça coule tout seul... c'est super agréable à écouter et à voir ! En live, l'énergie qu'ils dégagent sur scène est incroyable, résumait-il, expliquant que son camarade et lui-même étaient arrivés une heure en avance, histoire d'être sûrs de pouvoir rentrer dans la salle.

Malgré donc le fait d'afficher la couleur avec ce No-Reform Tour, un jeu de mot dans la pure lignée de l'état d'esprit franc et direct qui a animé quinze ans de carrière, leur retour suscitait quelques attentes dans la ville... Plus qu'ils ne l'avaient imaginé, comme le reconnaissait Eric Sourice (chant, guitare), quelque 30 jours après être rentré des Etats-Unis.

On a passé des bons moments. C'était vraiment vraiment super. On s'est vraiment éclatés sur scène.

Visiblement le public était très content. C'était des supers concerts, donc je ne suis pas content spécialement d'avoir fini et en même temps voilà ! La donne était comme ça, on faisait quelques concerts en France, et puis voyage à Seattle et puis basta !

C'est un petit peu difficile, après avoir vécu des moments comme ça, de se dire Bon bin voilà c'est terminé… Y a un petit moment où on se dit Ah merde !.. et puis la vie reprend...

En faisant passer le micro, un matin ensoleillé comme il y en a tant, si, si, à Seattle en été, des envies flottaient au sujet de ce round de lives... mais une sorte de 50/50 se dégageait, en mode ancien fumeur qui arrête un jour mais qui craque pour une cigarette et fume le paquet.

Mais Eric tranchait net : Ça fait beaucoup plus de bien que de mal par rapport à la cigarette, souriait-il avant d'ajouter. Moi, j'ai toujours dit... on se reforme juste pour ça et une fois que ça sera fini, ça sera fini. Repartir dans une histoire comme ça, moi, personnellement… dit-il en laissant les points de suspension.

Je trouve que c'était un excellent point final ! La dernière tournée des Thugs, en 1999, c'était une tournée d'adieux, avec une rupture qui n'était pas forcément très évidente à vivre. C’était pas obligatoirement quelque chose de très... d'aussi fun que ce qu'on a pu faire là. Finalement c'est un très très beau point final, résumait-il, en admettant que cette série de dates avait l'extrême avantage de s'être faire sans pression ?

Effectivement. Il n'y avait pas de sortie de disque, pas de disque à défendre, pas de relation avec des maisons de disque, pas de pression, c’était vraiment juste pour le fun et c'est pour ça que c'était vachement bien.

Mais... J'étais assez étonné, confiait Eric à tête reposée.

J'avais très bien saisi l'immense envie qu'ils avaient de nous faire revenir et à quel point ils pouvaient être fans de ce qu'on fait ! On savait déjà qu'on était le groupe qui vendait le moins chez Sub Pop, peut-être pas celui avec lequel ils avaient perdu le plus d'argent, mais, en tout cas, ils en avait perdu beaucoup avec nous !

On savait qu'il fallait qu'ils soient vraiment fans pour avoir envie de sortir les disques des Thugs et nous faire tourner aux États-Unis... Là, on s'en est rendu compte... Ils ont vraiment vraiment insisté pour qu'on vienne, pour qu'on se reforme, etc... et on l'a vraiment beaucoup senti là-bas !!!

Bon c'est vrai que Bruce (Pavitt) et Jonathan (Poneman) n'ont pas arrêté de dire qu'ils étaient archi-fans du groupe... alors que bon... Qu'est-ce qu'on peut représenter aux États-Unis sur une programmation de festival ? Par exemple, on représent(ait) pas grand chose par rapport à soit d'autres groupes qui (étaient) en activité, qui vendent beaucoup de disques, soit des groupes comme les Mudhoney qui sont la figure emblématique de Sub Pop, parce qu'un des premiers groupes signés... si on enlève Nirvana bien évidemment.

Une rapide interview sur place avec Jonathan Poneman, et une savoureuse discussion sur les bienfaits de MySpace, à l'époque, était effectivement venue confirmé tout le bien que les deux patrons du label pensaient des Angevins et de la claque qu'ils avaient pris en découvrant, à Berlin, le mur du son dont Les Thugs ont fait leur marque de fabrique au fil de leur carrière.

Pour expliquer ce son et ce style à nulle autre pareil, et qu'effectivement personne n'a réellement réussi à copier, Eric avançait en hypothèse que leur alchimie si particulière soit la résultante de tout ce qu'ils avaient écouté... une somme vaguement chronologique d'influences de... Eddie Cochrane, Gene Vincent, Vince Taylor, les Stooges, les New York Dolls, le punk 77, les Dogs, les Nomads, Nirvana, Tad, Mudhoney...

Un point de vue et une histoire que Jonathan Poneman relate avec ses mots dans le livret de l'excellent, mais forcément frustrant, coffret compilation Road Closed sorti en 2003 chez Crash Disques.

Là-bas, on a vraiment senti qu'ils étaient fans et qu'ils avaient envie qu'on soit là... Et ça, ça a été un peu, non pas une surprise, mais on s'y attendait pas à ce point-là. C'est vrai que l'accueil qu'on a eu là-bas était vraiment d’enfer... avec plein de gens qui étaient vraiment super contents de nous revoir. On étaient vraiment super contents de les revoir aussi, racontait donc Eric, à propos de cette grande fête que furent les 20 ans du label, inondant la ville de concerts, la Space Needle étant même coiffée pour l'occasion d'un drapeau Sub Pop flottant fièrement au vent.

Une ville et un label qui adoraient donc Les Thugs -et ils n'étaient pas les seuls. Une ville qui était un peu une deuxième maison pour eux, avait avoué Christophe Sourice (batteur et auteur d'une majorité des textes du groupe) lors de l'interview sur les ondes de la radio KEXP, qui les avaient reçus pour une leurs célèbres sessions.

C'est vrai que c'est une deuxième maison, en effet, parce qu'on retrouve chez les gens de Sub Pop, comme pas mal de groupes, ce que, nous, on a pu vivre en France avec les différents labels sur lesquels on a été... une certaine façon de voir le business, entre guillemets, le business rock de sortir des disques, d'organiser des concerts.

Je trouve qu'on est un peu sur la même ligne qu'eux, et c'est pour ça que c'est un peu notre deuxième maison oui, admettait celui qui fut l'un des fondateurs du label angevin Black & Noir à la fin des années 80, et qui, plus récemment -chassez le naturel, il revient au galop- a monté la structure Nineteen Something pour rééditer des disques mythiques du siècle dernier, entre amis, avec Frank Frejnik de Slow Death records.

Une question d'état d'esprit, face à une chose épatante lorsqu'il faut traiter avec des Américains dans le milieu de la musique... cette capacité à parler vraiment business et ensuite à gérer les choses comme des indés... ou presque.

Je crois que la très très grosse différence, pour moi (…) c'est ce que c'est un label américain, arguait Eric. C'est la seule, parce que je pense qu'on parle la même langue, disait-il, lui qui travaillait à cette époque là chez Crash disques. Je n'ai pas l'impression de parler différemment de ce qu'on fait, que Bruce et Jonathan...

Mais le fait d’être un label américain donne une ouverture sur le monde qui est énorme et, nous, nous sortons des groupes français la plupart du temps, on ne va pas avoir cette ouverture au monde. Le monde entier se contrefout de ce qui se fait en France, alors que le monde entier regarde ce qui se passe aux États-Unis ou en Angleterre et donc obligatoirement...

Je trouve qu'il y a eu des groupes, et je trouve qu'il y en a encore, qui sont d'égale valeur, ou qui même de temps en temps peuvent être meilleurs que plein de groupes américains ou de groupes anglais. C'est pas des gens qui sont plus malins au niveau du business, c'est juste qu'eux ils ont la chance d'avoir une ouverture sur le monde (…) après on va dire Oui mais y a Mudhoney, y a Nirvana, tous ces trucs-là... mais est-ce que Nirvana aurait eu la même audience en faisant exactement la même chose... s'ils étaient venus de Clermont-Ferrand par exemple ? Je ne pense pas.

Et pourtant, c'est de la bouche de quelqu'un, d'un groupe, qui tire un bilan sans précédent, voire sans égal, pour un groupe français, et qui, philosophiquement, n'a pas grand chose à regretter de ses choix... comme le racontaient Eric et Pierre-Yves (le 3e Sourice du groupe, à la basse) dans une interview aux radios de la Férarock, à l'époque de la réédition, en 2004, de tous leurs disques** en digipack avec nombreux bonus.

Ils n'ont, en somme, confiait Eric, jamais cessé de réaliser rêves après rêves, tout au long de leur carrière qui les a vus, sans trop exagérer, faire tout ce qu'il était imaginable de faire... tourner en Europe et aux Etats-Unis, dès 1988 !!! … faire une Peel Session ... bosser avec Butch Vig, Steve Albini, mais aussi Iain Burgess, et surtout Kurt Bloch... obtenir des chroniques et des sollicitations de labels qui font baver encore aujourd'hui, et sortir des disques, en direct ou en licence, avec, entre autres, Gougnaf mouvement, Closer, Bondage, Crash Disques, Labels, Vinyl Solution, Alternative Tentacles,... et Sub Pop...

Pas mal, disaient-ils sourire aux lèvres, pour un groupe de petits Angevins qui au départ voulaient juste, détaillait Eric... composer des morceaux, puis les jouer, puis enregistrer dans un studio, puis monter sur scène… puis faire 100km pour aller faire un concert (...)

On a eu de la chance. On a fait d'improbables rencontres, disait-il au sujet notamment de la rencontre avec le label anglais Vinyl Solution. Mais la chance, ça se crée.

Un constat qui reste valide et peut servir d'encouragement à nombre de groupes actuels.

Après cette dernière virée dans le nord-nord-ouest des Etats-Unis, et un peu à cause d'elle aussi, un live et un DVD sont sortis, histoire de vraiment, vraiment, boucler l'affaire.

Au moment des inventaires (les rééditions CD), on a fouillé un peu les cartons... pour l'audio bien évidemment. On a trouvé des lives qui trainaient, des enregistrements studio, etc...

Mais y avait aussi pas mal d'archives video qui trainaient, avec des concerts qui avaient été filmés, des clips... et jusqu'à présent, on ne s’était pas du tout préoccupé du truc...

... et c'est là qu'est née l’idée... Y a du matériel !! On a fait l'inventaire au niveau audio, ça pourrait être intéressant de ressortir et de mettre à disposition des gens qui nous aiment bien... des images, soit live, soit des clips... des choses comme ça.... et c'est là qu'est née l'idée du DVD...

... après ça a pris une ampleur qui n’était pas celle qui était prévue au départ…

... Y a eu cette reformation ! Donc on allait pouvoir enregistrer en video un ou deux concerts, ce qu'on a fait. Et donc pouvoir proposer, effectivement, un concert en entier du groupe pour mettre sur le DVD. Et puis après, d'autres idées sont parties sur des cartes blanches qu'on donnerait a des réalisateurs Allez-y vous avez carte blanche... le thème c'est les Thugs ! Vous faites ce que vous voulez !

...Et puis, il semblait important, quand même, de faire un point sur le groupe et de parler de son histoire, de nous faire parler et de faire parler du groupe, par l’intermédiaire de quelqu'un qui allait en faire quelque chose de bien ! Donc c'est Julien Bossé qui (s'est occupé) de ça, histoire de raconter un peu le groupe, de donner plein d'explications... sous forme d'un documentaire (…) qui va là aussi clore un petit peu l’histoire des Thugs... un point final... puisqu'après, on a plus rien !!! Donc comme ça, ça sera clair !! En le titillant un peu sur le sujet qui mordait aux lèvres de tous les fans, trente jours donc après ce mémorable anniversaire en terres du grunge, Eric se laissait aller à imaginer que, ponctuellement, peut-être, pourquoi pas... des reformations occasionnelles..., à l'idée par exemple d'un x-ième anniversaire d'Alternative Tentacles...

Faut jamais dire jamais (...) on n'en refera pas une par an ! Faut pas délirer... plaisantait-il. Cela dit, il va falloir se dépêcher parce qu'on commence à vieillir un peu et on va finir par être ridicules, un sourire en coin, ajoutant... il y a encore deux ans (époque des inventaires), je disais qu'il était hors de question qu'on se reforme pour quoi que ce soit... mais bon il s'est avéré qu'on l'a fait quand même !

Mais non ! Non ! C'est fini, concluait-il...

...depuis... les trente ans d'Alternative Tentacles auraient pu avoir lieu en 2009... Il ne reste donc aux fans et aux futures générations, que... les albums à chiner et à collectionner, les rééditions CD et vinyle, le DVD et les lives de Come on People ! Ça ira, non ?

* Mardi 10 juin : Bordeaux - BT 59 ::: Mercredi 11 Juin : Toulouse - le Bikini ::: Jeudi 12 Juin et Samedi 14 Juin : Paris, la Maroquinerie - Festival Maroq’n’roll ::: Samedi 28 juin : Tremargat - Salle des fêtes ::: Jeudi 03 Juillet : Lyon - Grrrnd Zéro (Rail theatre) ::: Vendredi 04 Juillet : Angers - Centre Jean Vilar

** 1986 : Radical Hystery :: 1987 : Electric Troubles :: 1989 : Still Hungry, Still Angry :: 1991 : I.A.B.F. :: 1993 : As Happy As Possible :: 1996 : Strike :: 1997 : Nineteen Something :: 1999 : Tout doit disparaitre

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