19 avr. ~ Olivier Depardon ~
l Olivier Depardon l Les saisons du silence l
Connaissez-vous Olivier Depardon ? Le rocker, pas le pianiste et compositeur, bien que l'ex-chanteur de Virago le soit aussi, compositeur, mais c'est surtout sa facette auteur, et aujourd'hui sa patte musicale, qui sort du lot... sa capacité à forger ou cracher des textes comme des tableaux noir et blanc croqués au cutter sur une musique sauvage mais apprivoisée.
Après un faux départ sous un autre patronyme, qui se tenait moins à carreaux qu'il ne pouvait y paraître mais qui jouait déjà la carte du blanc et du noir avec ce désir d'écrire qui allait avec, le premier LP de Virago plongeait la tête la première dans la noirceur de la génération X.
Avec le suivant, le trio grenoblois inscrivait son nom dans l'histoire de la noise hexagonale, tout en ayant l'audace de s'en tenir au français dans le texte. Une bravade qui mérite tout le respect du monde tant il est parfois difficile de faire accepter que l'on puisse privilégier la langue de Brel, Brassens et Ferré quand on produit une musique rock designed in USA, comme on dit chez Apple pour mieux masquer que ses produits sont fabriqués à bas coût en Chine.
Si la posture de non-chant d'Olivier Depardon doit certainement pas mal à Diabologum, Virago asseyait la pertinence d'une langue jugée comme moins musicale que celle de ceux qui l'ont inventé le rock'n'roll... ce qui ne saurait être moins vrai, bien entendu, quand on voit le résultat depuis.
L'aventure Virago aura duré cinq ans, le temps d'un EP éponyme, deux albums Introvertu et Premier Jour, dont un titre s'est retrouvé en ouverture de la B.O.* du film Baise-Moi de Virginie Despentes, cinq ans à croquer à pleines dents cette autre pomme de vie et de vitalité qui auront marqué la chronique comme ses auteurs, à commencer par Olivier Depardon lui-même.
Car chasser le naturel il revient au galop, comme on dit. La fougue ne l'a pas quitté depuis la fin de Virago et le souffle de ce galop, que d'autres appelleront urgence, est toujours aussi vivace. On le prend de plein fouet en live, un terrain de jeu qu'il maîtrise toujours aussi bien.
Certes, dix années se sont écoulées avant un retour sous son nom propre mais il n'a jamais lâché la barre... une barre qu'il tenait tout aussi ferme et frontale dans Zygoma (avec le bassiste Jean-Marc Junca) ; qu'il laissait à d'autres, faussement spectateur, plus loin du micro avec Jull ; ou lors d'une Mountain Sessions sous le nom collectif de The Boniliars, une occasion de croiser le fer avec toute une palette de musiciens Grenoblois. Ce temps pris a aussi permis l'éveil et le travail plus électro avec le plus récent Octave, sans compter la ribambelle de disques d'autres artistes auxquels il a prêté son oreille et son expérience du son dense, compact, sourd et féroce à commencer par Nadj, mais aussi Tara King Th., Maczde (Carpate), Peau, Melk, Ortie, Liga (Quintana), et autres projets pluridisciplinaires comme le Cirque végétal ou le plus récent ciné-concert The Savage Eye**.
Attention, l'animal n'est pas endormi, juste assagi. Ses disques regorgent en effet de cette musicalité propre à ce type de rock scandé où tout repose sur une rythmique contrainte par les textes, des textes qui déversent leur réservoir de mots sur un incendie de guitares tranchantes, sous lesquelles couvent les braises d'un couple basse-batterie.
S'il a fallu trois ans pour accoucher d'Un soleil sous la pluie, - on admirera la poésie de la formulation - les deux ans de tournée auront achevé de remettre de l'huile dans les rouages et d'imaginer un deuxième disque qu'il décrivait au Petit Bulletin comme plus brut, comme un lâcher-prise, parce qu'enregistré en douze jours.
Pourtant, s'il faut en venir à parler de maîtrise ou de maturité, comment parler de matière brute et d'urgence quand Les Saisons du silence sont aussi loin de la démonstration de force primale, que les poings se présentent à nous desserrés, les paumes au ciel, élargissant le spectre des sonorités au violon et violoncelle, aux guitares plus claires et légères qui laissent respirer les textes, aux platines et samplers, Moog etc...
Au milieu de ces silences, quelques fantômes, celui d'Arthur Lee peut-être, que l'on pense apercevoir au détour d'un autre type de sérénade à cinq cordes celle des Synapses ovales. Loin des histoires à dormir debout, et porté par une voix qui sait ce qu'elle veut, dit-il lui-même, Olivier Depardon enterre le verbe pour privilégier le mot et joue des meilleurs effets d'ombre et de lumière, laisse-t-il entendre au fil de ses textes.
* B.O. où l'on retrouve également les excellents X-Syndicate, Seven Hate et le Peuple de l'Herbe.
** 1959 - Ben Maddow (l'Équipée sauvage), Joseph Strick (Portrait de l'artiste en jeune homme) & Sidney Meyers