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18 avr. ~ The Little Rabbits ~ Ep.2/2


l The Little Rabbits l Grand Public l

Les années Little Rabbits (1988-2005) ont également été les années de l'affirmation d'un savoir faire français. À l'heure de la sortie de Grand Public (1996), les groupes d'ici commençaient à intégrer et digérer leurs influences, en termes de composition, en termes d'enregistrement, en termes de concerts...

Par cette décision qui marquera un coup d'accélérateur, les Nantais ont été les premiers français à pousser les portes des studios Waterworks de Jim Waters pour enregistrer un album, à Tucson, Arizona.

Si cette aventure fait écho, entre autres au documentaire Soundbreaking quant à la place du producteur dans la logique de conception d'un album, le fait que des Frenchies prennent la résolution de confronter leur musique à celles des groupes qui leur parlaient était somme toute gonflé. Ils traversèrent donc l'Atlantique pour aller en studio en plein désert avec un bonhomme qui avait bossé avec rien de moins que des groupes comme Sonic Youth, Unsane, The Posies, Richard Hell, Half Japanese, ...

Gonflé ? Non !, estime Federico Pellegrini, aux sujet des Rabbits qui, eux, y étaient allés à cause de John Spencer.

On nous reprochait souvent de mieux sonner en live que sur album et on était tous assez d'accord là-dessus. Alors à l'époque, on s'est dit qu'il fallait qu'on trouve un ingé son dont on aimait le boulot plutôt qu'un producteur. Une personne qui saurait faire sonner le groupe tel qu'il sonnait naturellement. On a regardé sur les pochettes des disques qu'on aimait, il y a eu entre autres celui-là (Orange), il y avait Swell aussi… toujours est-il qu'on a envoyé des démos à Jim en lui demandant si ça l'intéresserait de bosser pour un groupe comme nous. Il a écouté et il a dit, venez donc. Au départ, on devait faire ça en France mais finalement, c'était plus avantageux financièrement d'y aller que de le faire venir, alors on y est allés.

Une attraction particulière pour Tucson, patrie de Giant Sand, Calexico, Supersuckers, Doo Rag/Bob Log III… ?

Pas spécialement. Perso, je n'avais pas spécialement de rêve américain, j'aurais pu aller n'importe où. (…) C'est marrant d'ailleurs, parce qu'aujourd'hui, je considère Jim comme un producteur pur et simple, doublé d'un ingé son hors pair.

L'époque de cet enregistrement coïncide aussi avec l'émergence dans l'anti-chambre de l'autre Grand Public de quelques drôles de gars décomplexés qui emboutissaient à cours de pompes certains poncifs de la conception d'un disque, que ce soit Beck Hanson ou les Beastie Boys pour ne citer qu'eux...

Si nombre d'artistes conviendront des risques de l'expérimentation en studio et du fait de laisser les clefs à une tierce personne sous couvert d'une expérience ou d'une pratique supérieures à celle de l'artiste, une session de studio flirte avec un sentiment d'aboutissement teinté de rêve devenu réalité. Et si l'expérience est bénéfique, pourquoi s'en priver ? De fait, les Rabbits sont revenus en Arizona quasi systématiquement par la suite, ainsi que Federico pour ses autres projets ultérieurs, dont The French Cowboy.

Les morceaux étaient pour la plupart déjà maquettés. Au moins en quatre pistes. On les avait pas mal répétés, restait à les faire sonner, se souvient-il.

Je ne sais plus s'il y a eu de grands changement, disons que l'ossature était là. On a certainement dû faire des arrangements là-bas mais en gros, ils étaient prêts. Non, l'expérience véritable, que j'ai retrouvée à chaque fois que j'ai travaillé avec Jim, c'est le fait que tu arrives avec des morceaux, tu prends les instruments que tu trouves sur place, tu les joues pendant une demie journée, ou plutôt, tu en joues quelques-uns, tu jammes, tu fais le con, Jim passe régulièrement dans la pièce d'enregistrement pour rectifier tel ou tel micro, tel ou tel niveau d'ampli, et puis tout à coup, il te propose de venir écouter. Tu t'assieds, et tu écoutes un bout de jam et tu te dis, tiens, c'est comme ça qu'on sonne. C'est mon moment préféré. Après, y'a plus qu'à dérouler.

Entre les Rabbits et les Cowboys, j'y suis retourné avec Helena (Noguerra - Dillinger Girl and Baby Face Nelson). Pour les Cowboys, j'ai surtout fait les mixes là-bas, comme on n'avait pas de budget pour se trimbaler tous les quatre à Tucson, on a enregistré les bases sur notre console, ensuite je me suis démerdé avec les re-re, les voix, des ajouts par-ci par-là et je suis allé les mixer chez Jim, raconte-t-il.

J'aimais beaucoup parce que Jim découvrait tout en direct, on reprenait le morceau à zéro et on voyait où on pouvait l'emmener. Et puis j'aime beaucoup la complicité qui s'est installée entre nous, une confiance totale dans ce que dit, propose l'autre, on essaie toujours, et si ça ne nous plait pas, on recommence. On va au bout de chaque idée. J'adore ce gars, et puis il est drôle, on passe autant de temps à raconter des conneries qu'à travailler. J'adore arriver le matin au studio et le voir avec sa tête d'endormi, sa déco ultra débile, sa voiture avec des sièges en peau de vache. Et puis, on y est quand même retournés avec Eric (Pifeteau) pour l'album de French Cowboy and the One. Très bons souvenirs aussi.

Aller jusqu'au bout de ses idées aura été une marque de fabrique, très appréciable de la discographie des Little Rabbits. À bien y regarder, hormis dans Dans les faux puits rouges et gris, tous leurs disques jouent sur le contre-pied, refusent de se laisser enfermer dans un style musical et osent les sorties de routes aussi bien au niveau des compos que des textes. Dans la série, les petits lapins refusent la facilité de la recette toute faite, le titre le Poste de radio et la série de titres In My Coffin / Weather Prophet / Song Called Diary... sur Yeah !, l'éventail de propositions avec La Piscine / December / Picnic Boy... jusqu'au grand écart entre La Grande Musique et Impelecatexpossifice...

Ouais, je ne sais pas. Je ne me suis jamais posé la question.

Dans le premier album, c'était nos premières chansons, parce que notre premier groupe à tous. Il y avait un mélange de fraicheur et de naïveté, elles ressemblaient à la musique qu'on découvrait en même temps, en tant que fans, elles ont eu certainement plus d'écho parce qu'elles arrivaient à ce moment là. Il y avait pas mal de groupe qui faisaient de la musique alternative, on se retrouvait souvent coincés entre deux d'entre eux dans les festivals, et quand on montait sur scène, on se rendait compte que le public alternatif n'était pas forcément hostile à ce qu'on faisait, ça pouvait cohabiter, ça changeait, il voulaient bien. Après, pour la diversité dont tu parles, déjà, le fait qu'on soit deux à ramener les chansons donnait une diversité de fait, et puis on piochait certainement à droite à gauche, consciemment ou pas.

Si, je sais ! il y a aussi le fait que faire un album avec les Rabbits, ça prenait deux, trois ans, vu qu'il fallait jouer l'ancien jusqu'au bout, si bien que j'ai toujours eu le sentiment qu'entre deux albums, il en manquait un, fantomatique, qui était en filigrane, à moitié dans le précédent, à moitié dans le suivant. Souvent, à la fin de l'enregistrement, je me disais, tiens c'est con, j'avais d'autres morceaux comme ces deux-là, les derniers, mais il fallait arrêter, on avait déjà trop de morceaux et plus le temps.

Gloire à ces fantômes alors, de la même manière que l'on peut parler louer les heureux accidents.

Quoi qu'il en soit, entre le live et les disques, cette diversité, cette palette de styles azimutant la noisy pop fait partie de la marque de fabrique des disques des Little Rabbits et a continué de progresser à chaque nouvel épisode, au point qu'il semble y avoir un univers entre La Grande Musique et Grand Public.

La raison en est simple, comme l'explique Federico : une sorte de Darwinisme du processus d'écriture.

Oui, il a évolué. Premier album, Stéphane (Louvain) ou moi, venions avec un morceau guitare-voix, parfois quelques idées, solos ou choeurs, ou un riff de ceci cela, et on allait au plus simple, en buvant des bières. On allait au plus simple, parce qu'on ne savait pas faire compliqué, ce qui n'est pas gênant bien sûr. Et puis on a joué dans les bars, ou à droite à gauche, et puis on a enregistré l'album, si bien qu'on maitrisait assez bien ce qu'on faisait, et puis on a eu Paco Rodriguez qui a produit l'album parce qu'en termes de prod, on était des lapins de trois semaines, on n'avait jamais mis les pieds dans un vrai studio.

Et puis petit à petit, on a appris comment ça marchait, on a eu des quatre pistes, on s'est amusés plus individuellement et surtout, on répétait les morceaux avant de les enregistrer et donc, avant de les jouer sur scène. Si bien qu'on les finalisait en studio et non sur scène. Je ne dis pas que l'un est mieux que l'autre. En ce qui me concerne, et c'est d'autant plus le cas aujourd'hui, j'ai pris goût au travail solitaire, non pas que je sache tout faire, loin de là, il y a des instruments qui seront à jamais mes ennemis, comme la batterie par exemple, et le vrai piano ( j'entends par là, savoir un peu jouer de ces instruments à touches et à baguettes, vu mes deux mains gauches), mais j'ai toujours souffert du fait qu'en groupe, en tous cas, dans mon expérience, on va rarement au bout d'une idée en répé, si ça foire, ou si on n'y met pas vraiment du sien, on lâche l'affaire, alors que tout seul chez soi, ça ne sort que lorsqu'on est ok avec soi même, une fois qu'on a tout essayé, qu'on est content du résultat.

Bon après, ça venait surtout du fait qu'on était six têtes de pioches, il suffisait qu'il y en ait un qui décide que telle proposition était foireuse, et forcément, ça sonnait mal. En tous cas, sur French Cowboy, je suis revenu au squelette. Trouver chacun sa partie instinctivement, presque sans réfléchir, et enregistrer direct. Comme une première proposition de base, et puis quelques re-re pour faire beau.

Le constat et le respect dont jouissent les Little Rabbits vient en l'occurence qu'à aucun moment il n'a semblé y avoir une quelconque envie autre que celle de se faire plaisir et de partager un moment de fête, plus que de vouloir séduire ce fameux Grand Public... ce qu'un fan ne leur aurait jamais reproché, une maison de disque peut-être plus ?

Non, la maison de disque, Barclay en l'occurrence, nous a toujours fait confiance. Bien-sûr, quelques remarques parfois, sur le choix de la langue, des tentatives de nous remiser pour essayer de passer en radio, mais le résultat était toujours pourri. Je me souviens d'un remix d'Une belle fille comme toi, tout pourri. Je me disais que si une radio le passait, alors ça en dirait long sur la dite radio. Je ne dis pas que l'original était exceptionnel, mais au moins, il était arrivé au bout d'un truc, au bout de lui même et on passe à une autre.

Résultat, le groupe s'inscrivait de facto en marge des formatages. Trop peut-être ?

En marge, non, y'a pas de marge, c'est pas un cahier. Et puis il y a autant de merdes dans la marge que sur la page, ça n'est pas là que ça se joue (...) Chercher à séduire le grand public, je ne sais pas. Pour ma part, j'ai toujours essayé de faire des choses qui me plaisaient d'abord, je me dis toujours que si ça me plaît à moi, ça peut avoir un écho chez d'autres, le combien d'autres, ça ne me regarde pas. Et puis essayer de séduire, je crois que c'est un métier, c'est autre chose, ça veut dire savoir le faire, moi je ne sais pas, je ne connais pas ce métier, en tous cas, je n'y ferais pas carrière.

L'histoire qu'ils ont écrite, le chemin qu'ils se sont tracé leur aura donné raison, des sessions à Tucson au film Atomic Circus en passant par les duos avec Angie Bowie et une Vanessa Paradis presque à contre emploi... c'est au final plus leur emploi de backing band de luxe pour Katerine qui semblait le plus prévisible.

Aujourd'hui, on retrouve les ex-Rabbits dans des projets jamais bien loin de leur terrier de prédilection mais jamais pile là où on s'attendrait à les voir.

Angie Bowie, Roller Girl (Anna Karina), Baby Face Nelson (avec Helena Noguerra), Lisa Li-Lund, E'Joung-Ju... d'aucuns auraient pu s'attendre à voir Federico devenir une sorte d'auteur entre Gainsbourg et Lee Hazlewood...

Perso, je n'ai quasiment jamais écrit pour des filles, à part une poignée de chansons pour Helena et pour ma compagne. J'écris toujours pour moi.

Après j'aime bien chanter avec des filles, plus qu'avec des garçons en fait, ça doit être mon côté hétéro qui ressort, ou macho refoulé. J'aime beaucoup la compagnie des filles, ou des mecs féminins, parce que tout est une histoire de séduction, c'est le nerf de la vie.

Ah si, en ce moment j'écris des choses pour ma fille. Parce que c'est ma fille. C'est tout.

(à noter que l'album Grand Public semble n'être disponible nulle part en ligne officiellement, en lieu et place du titre Weather Prophet que je voulais vous faire écouter voici Psychodrame, extrait de l'album des Radio Works, en provenance de Tucson et sou sua houlette du même Jim Waters)

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