30 mar. ~ I=O ~
l I=O l coeur l
Cette photo de Stephan Levoye dénichée par le chanteur de I=O (prononcer unegalzero) est une belle image de ce que c'est que d'être un groupe de rock indé, qui fait un rock pas assez formaté, en français, pas vraiment chanté et jugé par certains comme trop décalé ou trop sauvage.
Olivier Briand aka Ali Veejay chanterait en anglais, la perception et l'accueil de certains milieux serait beaucoup plus immédiate. Seulement, il est parfois difficile de passer le rideau des textes pour écouter ce qu'est la musique, pourtant les instrumentaux dévoilés sur leur coffret d'EP + inédits montre la maîtrise du son et l'efficacité redoutable d'un mur de guitares sur une base rythmique intense, saisissante et sinueuse.
Il y a chez I=O cette fureur expiatoire mais contemplative, une forme de transe saisissante émergeant d'une musique à la fois brute et aérienne, à la fois urbaine et ombrageuse.
J'ai souvent comparé leur musique à une tarte à la Gabin façon Audiard... un grand soufflet qui, s'il te rate, t'enrhume.
Un live de I=O me fait pour ainsi dire l'effet de cette photo de Malcolm Browne d'un bonze bouddhiste s'immolant en pleine rue, en 1963 au Vietnam. La violence contrastant et cohabitant avec une sérénité implacable. Une fureur qui laisse interdit et hypnotise, laissant le spectateur face à un flow de textes et d'émotions qui crispe et libère. Il n'est pas rare qu'en fin de concert, je me retrouve la nuque tendue par l'intensité déversée tout au long du set.
Au fil des ans, c'est chaque fois une surprise de constater que certaines personnes disent n'avoir jamais accroché à leur musique mais qu'il suffise de les voir une seule fois en concert pour changer d'avis. Une pure démonstration de ce que la musique doit se déguster vivante.
Nous voulons exploser sur scène, y mourir. Je me suis fait chier devant tellement de groupe qui pensaient que leur son était suffisant et restaient ultras statiques... C'est impossible pour moi de faire du rock à papa, disait encore récemment Olivier.
C'est pourquoi I=O ne vieillira pas bien longtemps. A delà d'un certain âge ça ne vaudra plus le coup.
Et pourtant, outre les changements de line up au fil des ans, la validité des messages conserve la même pertinence qu'à l'époque où les textes furent écrits. Cette nouvelle série de titres est de prime abord moins violente, voire plus pop, mais faut le dire vite, délivrant une invitation à l'ouverture à l'autre, l'asservissement à la futilité et une pensée sur l'idéal et l'absolu féminin... un message du coeur en somme.
La musique s'épaissit encore et prend un peu plus de distance avec les références auxquelles ils ont été associés au fil des ans, formant le canevas d'un style musical hybride mélangeant post-rock, spoken word, quelques lignes de basses dignes de certains groupes de métal downtempo et une posture de textes lorgant vers le rap.
J'aimerais faire un mini album avec Ancient Mith, le Tom Waits du rap US, lâche-t-il entre deux phrases.
Et comme tout est question de rythme, voire de syncope et d'apocope, les sorties s'enchaînent par rafales, coeur étant la 9e livraison via Quixote R.P.M. depuis la réédition en 2010 de l'album sec. Les titres sont édités par rafale, parce qu'Olivier écrit en permanence et que les morceaux mûrissent à leur rythme sans recette prédéterminée avec toujours la même intensité dans le résultat.
Je pense un noyau de morceau pendant des mois, j'y brode petit à petit des textes en marchant, en méditant et en prenant les transports. L'inspiration sonore vient du mouvement. Je marche, une mélodie vient. J'apporte une structure au groupe qui va l'adapter. Souvent, nous écrivons la fin du morceau ensemble. Souvent, dans un silence, Julien part sur une ligne de basse, en a honte, je la réécris, et paf on a une fin. Les textes arrivent avant ou après la musique, parfois une ligne de texte est écrite depuis des années et attend un espace pour se manifester. Parfois un super riff reste dans les tiroirs plusieurs années et un jour s'agrège à un nouveau riff. Parfois un morceau se concrétise en quelques jours. Mais en filigrane, l'idée reste la même. Comme souvent dans 1=0, j'y raconte comment on passe de la souffrance, qui n'est que l'ignorance de nous-même, à sa libération, résume Olivier.