21 mar. ~ Al'Tarba ~
l Al'Tarba l La Nuit se lève l
Al'Tarba poursuit sa quête de gravedigger, de profanateur de sépultures du son, avec un album dans la droite lignée Let the Ghosts Sing, en plus sombre, si c'était possible. La preuve que oui.
Si loin si proche, se dit-on néanmoins à l'écoute de ces 48 minutes moins breakbeat, plus trap, toujours aussi abstract.
En tout cas, le beatmaker storyteller reste fidèle à sa fascination cinématographique et plante le décor d'un film d'anticipation sombre et poisseux qui reste à écrire, entre La nuit des morts vivant, Orange Mécanique et les Watchmen dans lequel, plutôt qu'un nez-à-nez Jean Dujardin/George Clooney
on assisterait plus à un face-à-face Albert Dupontel/Robert de Niro.
On pourrait se dire qu'il a pris son temps, le bougre, puisque trois ans ont coulé depuis Ghosts, lui qui avec Lullaby clôturait une période où il sortait grosso modo une track tous les quinze jours... Mais il aussi déclarait à l'époque, dans une interview Férarock, vouloir laisser le temps à l'album de vivre sa vie, pas juste lui donner six mois et l'enterrer.
Du coup, fatigue ou laisser-aller ? Rien de tout ça of course.
Si on est loin des 20 titres de l'album/recueil de nouvelles qu'était de Lullabies For Insomniacs, on reste proche des quatorze titres qu'il avait dû négocier avec Jarring Effect pour le précédent.
Et même s'il n'a pas profité de ce temps-là pour exploiter son savoir-faire dans une production pour grand écran - en tout cas pas que je sache -, on retrouve sa trace aux côtés de Droogz Brigade, où là, pour leur premier album, ils n'ont pas fait les choses à moitié avec plus de 70 minutes de son pour leur Projet Ludovico !!! Album qu'il attaquait de finir de finaliser au moment de la sortie de son album perso, avait-il dit.
Pour le coup, il nous gratifie ici d'un douze-titres dense, plus interludes, dont l'univers, à l'instar de la pochette une nouvelle fois signée Shalik (P36 Posse), est moins éclaté, plus dense et concentré, et avec moins d'incartades dans les sonorités du monde, à part peut-être Ripped Eye.
Difficile de trouver, en apparence, un peu de lumière dans un album que le titre aurait tendance à proscrire d'emblée, lui qui expliquait que... les morceaux sombres n'ont aucune valeur s'il n'y en a pas des lumineux et inversement. Sinon ça sert à rien. Je trouve que ça manque de sincérité les trucs qui ne sont que sombres.
Mais on retrouve furtivement l'application de ce précepte au coeur de cette Nuit qui se lève avec son partenaire in crime, DJ Nix'On, sur Starship Looper, ou sur le trip-hop-esque She's Endorphins avec Senbeï et à nouveau Bonnie Li, dont la prestation sur Gangsters & Rude Girls ne pouvait passer inaperçue. Plus largement, la lumière est in fine à chercher dans la clarté de la production, les ambiances sonores fines et la gamme de sons exploités.
L'honneur est donc sauf pour celui qui comparaît lors de cette même interview les beatmakers à des personnages de jeux video avec chacun ses aptitudes... avec chacun leurs barres... curiosité 3 barres, hyperactivité 4, poésie, gros son,...
Je ne suis pas très bon musicien, disait-il, mais j'arrive très bien à planter des décors, je pense. Donc, moi ça serait plus poésie, ou l'histoire que tu peux attacher à chaque morceau (...) Je trouve que c'est tellement large le terme beatmaker, de Necro à RJD2, Flume... T'as trois univers qui se rejoignent et qui à la fois sont assez différents. Donc je te dirais que c'est comme des personnages videos, des aptitudes que chacun développe et c'est sûr que curiosité est dedans (...) et ouverture d'esprit.
Je confirme qu'Al'Tarba conserve bien toutes ses aptitudes à couper les têtes sur du gros son, avec petit clin d'oeil vers Compton.