21 fév. ~ Sam Karpiena ~
l Sam Karpiena l Extatic Malancòni l
Ce disque commence avec une décharge électrique comme un ciel en colère que vient fendre le bleu d'une voix déchirée par la passion, qui prend aux tripes et pénètre au plus profond du coeur.
Une voix palpitante, une poésie troubadour brute, un cri d'amour puissant n'appartenant à nul autre que Sam Karpenia, puisant et renvoyant instantanément et simultanément à toute la culture Méditerranéenne... entre une puissance vocale ibérique et de multiples variations de mélopées arabes et au-delà* lardée de la culture occitane, chère à son coeur. Un maelstring-pot musical et cérébral orchestré par une mandole, tour à tour électrifiée ou à vif.
Paradoxalement, sur Extatic Malanconi, son premier album, et le seul à ce jour, l'occitan est moins présent que ce que l'on aurait pu imaginer, en tout cas moins que par le passé avec Dupain ou le provençal avec Gacha Empega, mais les textes en français trouvent dans son style d'interprétation une force nouvelle.
Il explique, dans le beau portrait radiophonique d'Anouk Batard pour Radio Grenouille, que c'est l'apprentissage de la langue d'Oc qui l'a amené à chanter, lui Sam Karpiena, d'origine polonaise et normande.
La sensation procurée par l'écoute de ce disque aboutit à ne plus savoir à quel moment les textes en français sont entrés dans la danse. L'expérience est similaire à un état en transe, ou a minima, une forme d'état d'hypnoextatique où l'on a l'impression de comprendre une langue lointaine et familière que l'on n'a pas apprise, l'impression de voyager sans bouger, d'être en phase avec une forme de conscience universelle démontant le mythe la Tour de Babel.
Le thème du voyage, physique ou personnel, y est omniprésent, devient source d'une mélancolie à forte poigne qui absorbe tout autre forme de sentiments... Néanmoins, sa conscience sociale et politique, la critique de la société et les stigmates de l'immobilisme individuel ou de groupe, choisi ou subi, ne sont pas loin, à commencer par le texte introductif cadenassé emprunté à l'essayiste militant Alessi Dell'Umbria.
Son discours est moderne, moins occitaniste qu'il n'y paraît mais nourri d'un bel amour de la langue, peut-être, mais finalement le terreau est humain surtout. La poésie est simple et directe. Il puise ensuite dans l'histoire de l'homme, de ses blessures, et des tranches et tronches de vies marquées par les preuves laissées par l'existence simple. Le reste de l'histoire, avec ou sans majuscules, est connue, ancienne autant qu'elle se répète... Un phénomène d'ondes que le physicien appelle harmonique et qui sied à merveille à ce qui résonne musicalement de part et d'autre de nos mers intérieures.
Aujourd'hui ce marin des mots est devenu marin tout court, levant l'ancre pour d'autres voyages et découvertes qu'il ne manquera de nous compter... espérons-le ! Car nous serions orphelins d'un talent brut, populaire, simple, juste et raffiné.
Je vous laisse à vos pensées avec cette rapide traduction de Descobrança (La découverte)
Le tressaillement de mon esprit / Me fait pénétrer dans les profondeurs
Je suis le conquérant (...) J'ai cherché en chemin ce qui était sûrement une maladie
Je ne voulais pas de maître, je suis déjà délivré
Si jamais vous entendez mon cri passionné
Cela voudra dire alors que je ne suis toujours pas enfermé
* il cite Camaròn, Mahmoud Ahmed, les chants tadjiks, chinois...