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30 août ~ Akalé Wubé ~


l Akalé Wubé l Sost l

(Toutes mes excuses pour les malheureuses fautes de frappe dans l'orthographe d'Akalé Wubé, la faute aux correcteurs orthographiques mais pas que, désolé)

À mieux se pencher sur les musiques du monde, on aurait tôt fait de remiser cette étiquette passéiste et un brin condescendante pour mieux accepter le fait que la musique ne s'est jamais embarrassée de gardes-frontières et autres lignes de démarcation, et que partout dans le monde des artistes jouent, adaptent et intègrent depuis longtemps les musiques occidentales et spécialement anglo-saxonnes.

Cette conception de la sono mondiale aurait même un parfum de mémoire vaguement courte puisque la musique américaine n'est pas exempte de devoir quelques petites choses au continent africain. Un euphémisme en soi.

Dès lors, quelques adeptes de l'archéologie musicale ont depuis longtemps néanmoins eu le bon goût d'exhumer régulièrement des répertoires entiers d'artistes oubliés ou méconnus mais qui existaient bien avant que l'Occident ne s'y intéresse et ne leur confère une popularité à plus grande échelle qu'ils méritaient en leur temps et non pas 30 à 50 ans plus tard.

Cette logique et ces occasions manquées s'appliquent à des artistes contemporains, et qui résident parfois dans notre propre pays. Mais ceci est une autre histoire, ou voudrait-on nous le faire croire.

Il est en tout cas effectivement heureux de s'émerveiller d'entendre et/ou découvrir le charme des titres de Mulatu Ashtatke, William Onyeabor, par exemple, de la manière qu'il est difficile de rester insensible au modernisme des transes afrobeat ou saharienne de Fela ou Tinariwen, avec une pensée pour cet autre exemple flamboyant que l'opportunité de carrière sur le tard pour le Lyonnais d'adoption, Slow Joe.

Si injustice et pauvreté imprimés sur le même côté d'un billet, il est triste de constater que ces répertoires exhumés étaient pourtant contemporains de nombreuses autres gloires internationales anglo-saxonnes. Leurs auteurs n'avaient simplement pas la chance de bénéficier des réseaux médiatiques et financiers qui leur auraient permis de s'exporter en leur temps... quand dans le sens inverse, par exemple, les disques de Sixto Rodriguez devenaient culte à des milliers de kilomètres de son Detroit natal... à l'insu de son plein gré, mais peut-être pas totalement de celui de son label. Mais ceci est un autre sujet.

Si par contre regret et béatitude sont les deux faces d'une même pièce, il est bon de constater qu'au minimum cet émerveillement a cela de bon qu'il agit pour la préservation d'un patrimoine et permet de diffuser et remettre en lumière des musiques que le pays d'origine de ces artistes ont parfois eux-même oublié ou délaissé, comme c'est il semble que ce soit le cas avec l'éthio-jazz en Ethiopie, comme le racontait Etienne De La Sayette, membre éminent de Akalé Wubé à l'époque de la sortie de ce troisième disque Sost.

Il existe peut-être l'excuse de réseaux de distribution défectueux ou de coûts de production, comme l'utilisation oulipienne d'instruments anachroniques ou juste bon marché qui seraient sensés justifier que les oeuvres en questions soient passées sous le radar... ce qui fait doucement rire si l'on accepte que la qualité de l'instrument et de la prise de son n'enlèvent rien à la qualité d'une chanson, quand ils n'en sont pas l'essence même... il suffit de demander aux portes-drapeaux involontaires du son garage, les Sonics, ou à Daniel Johnston et ses magnétophones enregistreurs de cassettes, pour ne citer qu'eux.

Pour revenir à l'Éthiopie et au son qui fleurissait dans sa capitale Addis-Abeba dans les années 70 et ce depuis la fin des années cinquante, le travail de la collection Ethiopiques a accompli un travail énorme pour célébrer la mémoire de cette scène.

Ce sont d'ailleurs, nous dit-on, ces disques-là qui donnèrent à Etienne de la Sayette et ses camarades David Georgelet, Olivier Degabriele, Paul Bouclier, et Loïc Réchard l'envie de se lancer dans un groupe qui célèbrerait cette musique en fondant le groupe Akalé Wubé, il y aura bientôt dix ans...

Mais entre s'essayer à une musique et lui rendre hommage, il y a parfois un gouffre que tous ne peuvent pas franchir.

C’est une musique métissée, qui intègre beaucoup de soul et de funk américains, expliquait Etienne en 2014 à François-Xavier Gomez de Libération.

Elle est familière pour les musiciens habitués aux musiques noires. Il faut juste repérer quelques petits pièges rythmiques, une mesure en plus par ci, deux temps en moins par là… Ce n’est pas comme la tradition classique indienne, qui demande des années d’apprentissage.

Si leurs deux premiers disques expurgeait et réinterprétant quelques bijoux du genre en y mêlant des sources musicales du reste du continent, Sost obéit, à deux petites exceptions près, aux codes de la Nouvelle Fleur* de la Corne d'Afrique en même temps que le quintette continue à proposer plus de compositions propres. Un savoureux mélange de respect du genre et de renouvellement du répertoire.

Sur Sost, ils élargissent de leur longue liste de reprises de Mulatu Astatke, ni Alèmayèhu Eshèté, Shewalul Mengistu, Tsèhaytu Bèraki, Tèshomè Sissay, Feqadu Amde Mesqel, Tsèhaytu Bèraki... en y ajoutant Ayaléw Abbèbè, Tefsayé Abbèbè, Tèwèldè Rèdda, Alèmayèhu Eshèté et Ménélik Wossenachew.

Il suffit de mesurer la marge de découvertes qui existe au-delà du nom qui est dans toutes les bouches dès lors que l'on arrive à la prononcer et dès lors qu'il est question d'éthio-jazz... Pourtant, en trois albums, pas d'incursions dans le répertoire du non-moins célèbre Mahmoud Ahmed ou de Girma Bèyènè, dont le profil est tout aussi voire largement plus légendaire que Mulatu Ashtatké.

Ce n'était qu'une question de temps avant que ce petit manquement ne soit comblé, puisque le quintette parisien a livré en guise de quatrième album un album entièrement consacré à cet artiste oublié, mais pas de tous, puisque que l'idée de cette collaboration en forme de backing band de luxe résulte d'une rencontre -inéluctable (?) - avec Francis Falceto, l'homme derrière les 30 volumes Éthiopiques.

Ce Mistakes on Purpose est tout bonnement incontournable.

En attendant, Akalé Wubé a donné plus de deux cents concerts en France, en Grande-Bretagne, en Allemagne, au Danemark, en Belgique mais aussi en Pologne, en Corée du Sud, en Chine, au Maroc, au Mozambique, au Lesotho, au Swaziland, en Afrique du Sud et bien sûr en Éthiopie.

Le Caennais d'origine Etienne De La Sayette, organiste à ses heures et membre d'un ovni sonore appelé Frix, officie ici aux saxophones tenor et baryton, mais aussi à la flûte, à la clarinette... tandis que Oliver Degabriele tient la basse, Loïc Rechard la guitare et que David Georgelet est à la boîte à rythmiques, la batterie, épaulé parfois des percussions de Paul Bouclier, également adepte de la trompette, du bugle et de la lyre locale, le krar.

Leur répertoire essentiellement instrumental s'est enrichi sur ce troisième disque de trois titres mettant en avant la fabuleuse voix de Genet Asefa, chanteuse d'un trio londonien, Krar Collective, et d'un invité de marque sur le titre d'ouverture, Manu Dibango, au saxophone... parce que la musique est affaire de rencontres et de partage, et qu'elle ne s'est jamais embarrassée de gardes-frontières.

Et si la renaissance d'un répertoire éthio-jazz passe qui plus est par des groupes comme Akalé Wubé, dont le nom signifie peu ou prou beauté de l'âme... Tant mieux... Pour tout le monde.

* Addis Abeba se traduirait de l'amharique par Nouvelle Fleur

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