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20 mai ~ Richard Pinhas ~


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Je n'aurais certainement pas la prétention de faire ici un portrait détaillé ni même conséquemment érudit de Richard Pinhas tant son oeuvre n'a d'égales que sa longévité et la diversité des expériences qui la jalonnent.

Tous les scientifiques, philosophes et auteurs de science fiction qui rêvent, mesurent ou prophétisent l'avènement d'interfaces cérébraux homme-machine pourraient s'inspirer de sa carrière tentaculaire... à moins que ces théories et hypothèses ne l'aient au contraire nourrie.

La nébuleuse d'enregistrements du compositeur, guitariste, et pionnier de l'électronique, est une véritable série de rouages dans lesquels mettre le doigt s'avère chronophage autant qu'instructif sur l'histoire de la musique, l'apparition et l'intégration de l'électronique, … tout comme y prêter oreille peut vite donner le sentiment de se la faire bouffer toute crue ou juste, au choix, de la reconfigurer pour écouter les choses différemment.

Il faut tout de suite admettre que, hormis les personnes qui ont baigné dans les époques en questions, et qui auront naturellement accompagné (et/ou rejeté) la genèse de tout un pan de la musique expérimentale et de certaines musiques actuelles, dont la musique drone, prendre les albums de Richard Pinhas les uns après les autres relève de l'expérience sensorielle relativement extrême pour le profane.

Depuis le début des années 1970, l'univers sonore et d'expérimentations qu'il a développé, au sein du groupe Schizo, puis sous le nom de Heldon, avant de le faire sous son nom propre, n'a justement rien d'universel. S'y plonger au hasard peux vite donner le vertige.

C'est en tout cas l'illustration idéale de l'idée que toute personne peut être amenée à découvrir et écouter tout type de musique, dès lors qu'elle y a été convenablement préparée, que l'oreille s'est ouverte et préparée aux sonorités et aux structures mentales de l'artiste, seul ou en groupe.

La présence d'une voix peut parfois rassurer face à cette déesse ex-machina faite de loops, de saturations électriques autant que numériques, de séquences chaotiques et de synthétiseurs métalliques, une présence humaine comme guide bienveillant -en quelque sorte-, bien que le discours soit plus proche des romans d'anticipation d'un Philip K.Dick* ou d'un Isaac Asimov autant que tout ce qui servit de ressources bibliographiques à Maurice Dantec pour ses Racines du mal (1995). De fait, personne ne pourra s'être étonné, à l'époque, d'un rapprochement, que dis-je, d'une synchronicité de pensée et d'univers, entre le musicien, également docteur en philosophie de la Sorbonne, et du romancier... le tout pour un projet littéraire, de lecture -autrement appelé spoken word.

Schizotrope, appellation largement explicite, servira d'écrin à certains épisodes de leur collaboration renouvelée autour d'écrits du philosophe Gilles Deleuze, décédé en 1995, à commencer par

Schizotrope: The Life And Death Of Marie Zorn (1998), mais aussi Le Pli: Schizotrope III (2001), beaucoup plus noir, cyberpunk et hypnotique, quoique, et réputé comme le fruit d'un travail d'édition de plus de 70 heures de guitares enregistrées.

Plus étonnant au premier abord, pourrait être la croisée des chemins qui l'ont vu collaborer avec Pascal Comelade, son profil actuel semblant devoir le cantonner aux instruments jouets alors que les deux hommes se connaissent de longue date et que le Catalan montpelliérain cultive par ailleurs dit-on une obsession pour les musiques répétitives croisées de recherches mélodiques. CQFD.

Dès lors, la longue liste des collaborations est à l'image de sa prédilection pour les morceaux fleuves de 20 à 30 minutes... un format qui colle par essence avec le format de face d'un vinyle mais qui se présente aussi comme le terrain de jeu idéal pour le grand nombre d'associations finalement assez naturelles, ou tout du moins cohérentes, réelles ou enregistrées, qui sont le fil -plus ou moins-conducteur de sa carrière... comme par exemple avec donc Pascal Comelade, Maurice Dantec, Gilles Deleuze, Chloé Delaume, John Livengood (Red Noise), Peter Frohmader (Nekropolis, Kanaan), Antoine Paganotti (Magma), Olivier Manchion (Ulan Bator), Wolf Eyes, Oren Ambarchi (Fennesz, John Zorn, Jim O'Rourke,...)**, Etienne Jaumet, Noel Akchote, … et surtout notamment avec l'un des papes de la musique électronique extrême, pour certains, simplement expérimentale, pour d'autres... à savoir le Japonais Masami Akita, aka Merzbow.

D'aucuns diront que l'album East / West est le plus commercial. Il faut le dire vite, mais son 4e album solo est certainement le moins sonore, plus accessible, et contemporain de la musique de John Carpenter pour New York 1997, mais c'est un album un peu en marge et donc trompeur dans l'idée d'une appréhension globale du travail de Pinhas -à mon sens-, mais il peut certainement être considéré comme la brique qui amène, quatorze ans plus tard au très ambiant Tranzition (2004).

Jeté à l'eau sans avertissement, le profane pourrait donc percevoir l'oeuvre de Richard Pinhas comme une hydre monstrueuse, insondable, bruitiste et indéchiffrable. Sa discographie aux plus de 40 albums n'est pour le coup certainement pas à aborder par ordre chronologique, car ce serait suivre le développement artistique d'un homme face à l'émergence de nouveaux instruments autant que de nouvelles musiques, leur intégration par bribes, les tentatives d'hybridations, etc... Il est possible bien sûr de vouloir adopter cette approche historiographique mais quitte à bénéficier du recul et du choix de l'angle pour entrer dans un labyrinthe par la porte qui nous convient le mieux, il serait dommage de s'en priver.

* dont on retrouve la voix sur un titre de l'abum Tranzition par le biais d'une cassette audio donnée au musicien par l'auteur. ** pour l'excellent album drone Tikkun

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