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12 mai ~ Eagles Gift ~


l Eagles Gift l An Astral Journey l

Eagles Gift et leur voyage astral a le mérite simple d'être un bon disque, voire ce qu'on appelle même un très bon disque. À quoi les reconnaît-on ces bons disques ?... On arrive à la fin et on se dit Quoi ? C'est déjà fini ? Et on le réécoute.

Un bon disque ? Plus facile à dire qu'à faire, et pourtant les cinq Angevins démontrent une aisance autant sur disque que sur scène dans un style musical sur lequel régnaient jusqu'ici en maître une ribambelle de groupes américains. La Vieille Europe n'a pas dit son dernier mot.

Et comme avoir une bonne fée ne gâche rien, leur premier concert au Levitation France déboucha sur les félicitations d'une des références en la matière, The Black Angels, familiers de la scène façon mur du son français, qui les invitèrent dans la foulée à l'affiche de la version texane du festival ès psychédélisme où ils firent bonne impression pour des Frenchies.

Lorsqu'on est allé jouer à l'Austin Psych Fest, c'était effectivement ça, Pas mal pour des Frenchies !, se souvient Romain Lejeune (chant, texte, guitare).

La scène psyché anglaise ou australienne est bien balisée mais on est pas mal à la bourre en France même s'il y a du mieux dernièrement. On a réussi malgré la jeunesse à faire une bonne impression et à être en quelque sorte adoubés par cette niche musicale, ça nous a ouvert des portes.

Ce type de plongée au débotté dans le grand bain aide à percevoir sa musique avec un peu plus de recul dès lors qu'il s'agit d'aller se frotter à des musiciens qui sont dans leur environnement naturel et qui ont, grosso modo, inventé le genre. Si l'éponyme Eagles Gift faisait déjà preuve d'une maturité surprenante pour un premier album, il n'en restait pas moins dans un carcan garage aux sonorités mates mais respectueux des canons du genre. An Astral Journey déchire la camisole et s'affranchit de ces mauvais réflexes qui font de piteux disques linéaires, monocordes et surmixés, confondant puissance et volume.

Chantres de l'autoproduction, c'est tout seuls qu'ils ont jusqu'ici enregistré et produit leur disque, à l'exception du 45trs Night Walker / Drifting Away avec Brett Orisson (The Black Angels, Wall of Death) et d'une première session pour ce 2e opus... qu'ils ont remisée pour tout reprendre tout seuls, à leur sauce.

On ne se refait pas ! Et Eagles Gift n'avait certainement pas envie d'être un Wall of Death bis. Quand on sait ce qu'on veut autant pousser la logique jusqu'au bout.

Ce qui relèverait d'une attitude de control freak passe parfois aussi par une logique économique dictée par l'habituel motto... On n'est jamais mieux servi que par soi-même, suivi de près par le tout aussi efficace Si tu ne fais pas les choses par toi-même personne ne les fera à ta place.

Dont acte.

Concernant Brett, on l'a rencontré pendant le festival et on a décidé de le faire venir en France sur un coup de tête pour enregistrer le (2e) album... On a fait une cession d'enregistrement très courte, 5 jours pour 8 titres. Le rendu n'a pas été vraiment à la hauteur de nos attentes et on a donc pris le temps de réenregistrer un maximum de choses pour arriver à la mouture finale. La période d'enregistrement et de mixage s'est étalée sur presque 2 ans..., raconte Romain.

Le rock psychédélique, son ressac de guitares, l'écume de voix planantes doublées, voire triplées, les nappes vaporeuses de clavier et les roulements et brisures de batterie peuvent vite se parer d'automatismes plus proches de la somnolence autoroutière qu'une réelle expérience sensorielle. Pas ici.

De fait, l'écoute du disque d'Eagles Gift, qui se finit sur les crépitements de braises à l'agonie, pourrait ressembler aux récits de touristes du Burning Man pour qui tout allait bien, tout était sous contrôle... jusqu'au deuxième jour... avant qu'ils ne décident de lâcher prise pour vivre pleinement l'expérience... L'Awakening se fait dans la veine attendue, Pretend to Be Dead faisant office de dernier commandement avant que le groupe n'ouvre les vannes... Charlie's Violence intègre un côté surf psychotique insolent, Nightwalker navigue au cœur de vagues plus sombres tandis quelques fleurs électroniques et de claviers ésotériques percent par endroits le plancher des vaches sur Another Earth.

Mention spéciale pour le contemplatif morceau de 7 minutes 37 Pythia in the Barn, plus proche pour le coup d'un Miranda Sex Garden époque Suspiria que de Wooden Shjips.

Le premier album était un recueil de bouts de composition que j'avais écrites assez vite pendant que je lisais des bouquins de Carlos Castaneda, se souvient Romain. Ça m'avait inspiré ça, mais c'était très spontané et express. Notre voyage aux US et puis la rencontre d'un maximum d'artistes a fait maturer tout ça pour le deuxième...

Outre les thèmes, j'ai passé beaucoup plus de temps après la cession avec Brett à expérimenter et rechercher des sons et arrangements différents. Il y a beaucoup plus de couches, c'est moins brut que le premier. On a beaucoup tripé sur la fin avec Simon (Sockeel, clavier et co chanteur lead avec Romain).

Résultat, la production stratifiée tutoie les quatre éléments et intègre au décor poussière, désert, grands espaces,...

Les titres prennent leur temps tout en évitant les sinistres répétitivités et les déprimantes plages instrumentales à pertes de vue... le cadeau de l'aigle est la mesure, la retenue, la sobriété comme mètre étalon d'une envergure de liberté de mouvements qui s'en trouve augmentée et vivifiée.

La scène française recèle en la matière quelques pépites, dont certaines histoires se conjuguent malheureusement au passé*. Mais on ne peut que se féliciter de la qualité de cette nouvelle génération de musiciens et de ce que quelques militants** de la première heure aient toujours la persévérance et la foi, celle qui peut déplacer des montagnes, … que ce soit dans le désert de Black Rock ou aux confins de l'Arizona ou du Texas, ou ailleurs.

L'histoire se répèterait-elle ? Voici qu'Angers revient sur la carte du monde telle qu'elle se dessine depuis les Etats-Unis, comme ce fut le cas à l'époque de la signature des Thugs sur Sub Pop ! Voilà tout le mal qu'on leur souhaite.

* Dalai Lama Rama Fa Fa Fa déjà chroniqué dans ces colonnes

** All Hail Dead Bees Records

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