09 nov. ~ La Terre tremble !!! ~
l La Terre tremble !!! l Fauxbourdon l
Ne croyez pas ce que raconte la presse. La Terre tremble !!! n'est pas quelque chose de facile à écouter.
Si vous êtes déjà fans de Robert Wyatt, Amon Düül, Frank Zappa, King Crimson et autres 31 Knots, Gatechien, We Insist, Filiamotsa, Akron/Family... vos oreilles auront déjà les philtres adéquats... À l'opposé du spectre musical ou presque, si vous aimez les Beatles, surtout les titres façon Lucy in the Sky, Only a Northern Song ou Revolution 9, ou si vous êtes fans de Pink Floyd, époque Syd Barrett, vous êtes sur la bonne voix. C'est valide aussi pour les fans de David Bowie époque Thin White Duke.
Après, la musique est une question d'oreilles, et d'acclimatation à des sonorités. En tant que programmateur radio, contrairement à ce qui semble être la norme dans les supposées hautes sphères, j'ai toujours considéré que rien n'était indiffusable... qu'il suffisait de placer un titre à la bonne place, de mettre en place le cheminement sonore qui prépare le terrain et permette de mettre dans l'ambiance... Il ne s'agit nullement de mettre des titres dans une panier et de lancer une lecture random...
Du coup, il s'agit de remettre les choses un peu à leur place... c'est à dire, la radio comme prescripteur, comme le grand frère qui nous fait découvrir les choses que l'on ne connaît pas... et de rejeter en bloc la logique marketing du ce que les gens veulent qui revient à considérer que les auditeurs ne sont pas capables d'évoluer dans leurs goûts et d'écouter autre chose que ce qu'ils connaissent déjà !! Ce ce que veulent les gens est surtout la traduction cyniquement aveugle de ce que veulent les annonceurs... parce qu'en réfléchissant deux secondes... la poule et l'oeuf... von savez ?... si ce que les gens veulent ce sont des choses qu'ils connaissent... comment ont-ils fait pour les connaître ? il a bien fallu que quelqu'un leur fasse écouter quelque chose de nouveau sinon la boucle n'aurait jamais été enclenchée ?!...
[ La mécanique est horlogère malgré ses apparentes dissonances ]
Bref trêve de... et revenons à nos moutons plus que nos poules... revenons plus précisément à nos terraformeurs renno-clermontois.
Leur quatrième album Fauxbourdon est loin du folk-rock progressif jazzcore déglingué de leur premier disque Trompe l'oeil en 2007. Une étiquette volontairement à rallonge et en quinconce pour admettre que l'explosion de sonorité qu'ils proposaient à l'époque pouvait s'adresser à toute une série de niches musicales contiguës mais pas forcément poreuses entre elles.
Il émanait une forme de rage contenue qui fait place aujourd'hui à une sensation de plénitude post-big bang. Non pas que l'électricité ait disparu pour autant car on sent que sous la couche gazeuse des synthés subsiste une tension froide... La mécanique est horlogère malgré ses apparentes dissonances.
Il aura fallu cinq années prises mais le résultat est un album dont le faux bourdon renvoie aisément à du vrai drone psychédélique et donne à l'ensemble les aspects d'album concept. Cinq années dont trois à faire du ciné-concert... sur des dessins animés de Tom & Jerry (!!!)... ce qui n'est certainement pas étranger au sentiment global d'un tracklisting qui proposerait la bande son imaginaire d'un film qui reste à écrire.
Les trois héros de scénario audio, dont rien que l'association de leurs trois noms - Chevalier, Lauby et Loiseau - ouvre les portes à toutes les histoires cervantèsques offrent avec ce 4e disque un ouvrage baroque, cérébral, labyrinthique qu'il est conseillé pour une première écoute d'apprécier en circuit fermé, au casque, ou tranquillement allongé dans la pénombre pour s'imprégner d'une richesse qui autrement passerait inaperçue.
Quoi qu'il en soit, le côté hypnotique de ces 35 minutes et quelques appelle à y revenir, comme pour plonger plus profond dans les limbes de leur bourdon ou se donner une chance d'en comprendre et d'en entendre un peu plus à chaque fois. Une richesse suffisamment rare de nos jour pour être appréciée à sa juste valeur.
