top of page

18 oct. ~ Tropical Horses ~


l Tropical Horses l Mirador l

Quelle est la part d'ombre sous les Tropiques ? Plus importante qu'il n'y paraît, à en juger par le Mirador de Tropical Horses...

Sombre et pesant, même dans les morceaux les plus envolés (Dead Gaze Exorcism, Wild Night,...), l'album est à l'image d'une pochette dans laquelle la couleur tente d'égayer et nuancer toute la charge émotionnelle du béton d'un mémorial. Autant berlinoises, que ses deux EPs Stand/Don't Stand on the Beach étaient rennais, pour le dire vite, les ambiances du disque arrivent à jouer avec la densité sonore, le multi-couche élaboré, pour ne pas dire psychédélique, voire schizophrénique.

Ça a surtout été un disque hyper difficile à monter parce que j’avais de la matière étalé sur deux à trois ans à l’origine, plus d’une soixantaine de morceaux en cours d’écriture ou en voie de finalisation, se souvient Max-Antoine Le Corre.

Il a fallu faire des choix, trouver des structures qui fonctionnaient entre elles, créer une alchimie entre des morceaux qui parfois n’avaient pas grand chose à voir les uns avec les autres. Il a fallu une grosse année pour faire le disque, raconte l'homme au singulier des ces chevaux tropicaux au pluriel dont le Mirador se définit par une homogénéité proche du concept-album.

Après, ça vient de ma méthode de travail qui consiste à ne pas travailler les morceaux individuellement dès le départ mais à les penser comme parties intégrantes d’une structure générale préétablie. Une fois que la structure du disque est pensée, j’ajoute des parties de morceaux, je les complète, réfléchis à la manière dont ils peuvent se faire écho entre eux, tout en veillant à ce qu’aucun son ne soit utilisé deux fois (...) C’est quelque chose que j’ai commencé à penser dès mes premiers EPs. Stand On The Beach fonctionnait un peu comme une sorte d'EP miroir où les textures des deux premiers morceaux et des deux derniers étaient sensiblement les mêmes mais inversées ou jouées différemment.

[ J’oscille toujours entre les modes majeur et mineur au sein de mêmes phrases...

voire parfois en passant subtilement et progressivement de l’un à l’autre ]

Même s'il avouait à Albert Potiron, dans les colonnes de Gonzaï en mars 2016, s'être mis à la musique par accident, par défi, pour répondre à un concours lancé par un festival et Radio Campus Rennes, ses premières productions et leur transposition scénique surfaient allègrement avec la vague garage renno-bordelaise. Du coup, la réussite de ce disque est d'avoir réussi à conserver une énergie lo-fi tout en poussant tous les curseurs, tous, pour obtenir un monstre de folk industriel, no wave, électro-punk...

C’est un véritable travail de fourmi, confesse Max-Antoine. Pour la production Anthony/Princesse a dû reprendre énormément de choses qui n’allaient pas du tout - mauvais enregistrement, boîte à rythme qui sonnait comme du plastique, etc - et ça a été un peu la croix et la bannière pour en arriver au résultat final.

En terme de composition pure, j’essaye de jouer entre des structures d’apparence classique type 4/4 et l’incursion de rythme syncopé que l’on peut retrouver dans les musiques africaines, ça permet de créer des décalages rythmiques qui perturbent un peu l’auditeur dans son approche purement physique du morceau (...) J’oscille toujours entre les modes majeur et mineur au sein de mêmes phrases, voire parfois en passant subtilement et progressivement de l’un à l’autre au cour d’un morceau, sans que l’auditeur ne puisse s’en apercevoir, détaille-t-il.

J’essaye de créer des ambiguïtés sur la manière dont on peut interpréter et vivre un morceau. Créer des revirements de situation, des sortes de perturbations qui questionnent l’intention de départ de morceau. Est-ce que j’écoute un morceau sur des gens qui dansent sur une plage et s’aiment ? ou sont-ils tout simplement en train de s’entretuer froidement ? Ou les deux ?

De fait, ce Mirador voit le vent souffler entre les blocs de béton froid et devient la bande son infernale d'une plongée au coeur du dédale d'une mégalopole fantômatique... proposant une gigantesque compilation d'images et de sons qui proposeraient une version des Chariots de feu et Vangelis transposée dans le décor d'un Mulholland Drive avec B.O. de Carpenter désassemblée par Atticus Ross... surtout à l'écoute de River of Sadism ou Impenetrable Darkness.

Pour ceux qui ont pu voir les versions lives de River Of Sadism ou Impenetrable Darkness c’est quelque chose d’assez flagrant et j’ai eu pas mal de remarques là-dessus, sur mes derniers lives, avec des personnes qui venaient me voir pour me dire qu’ils se sentaient hyper mal à l’aise au début du morceau pour finalement comprendre que celui-ci allait vers quelque chose de chaleureux et positif. Quelqu’un avait parlé de musique clair-obscur en parlant de mon projet, c’est totalement mon intention de départ et je me plais de plus en plus à travailler sur une musique teintée d’ambiguité, de paradoxe à la fois rythmique et émotionnel.

[ J’ai vraiment cherché à transmettre une idée...

de folie et d’angoisse tout au long du disque ]

À ce niveau-là, la voix sur ce disque devient moins un instrument de premier plan, par rapport à la logique pop des deux EPs précédents. Ce qui saute aux yeux et surtout aux oreilles c'est l'attention portée aux textures et aux multiples couches de traitements pour un rendu épais, dense et intimement stéréophonique.

Il y a une recherche constante de jeu avec les textures afin que celles-ci puissent apporter un discours supplémentaire au morceau, l’inscrire dans une sorte d’état fictionel. Ça permet de faire corps avec un songwritting très imagé où il est plus souvent question de répéter les mêmes phrases, de prononcer de simples mots comme symboles ou motifs afin de laisser la place à l’imaginaire.

Pour les choix de textures, j’ai été chercher des sons de choeur d’église, de chants grégoriens, de sous-marins allemands, de drones, de foule dans un stade de foot, de larsen, etc... J’ai vraiment cherché à transmettre une idée de folie et d’angoisse tout au long du disque avec des perturbations sonores, des textures qui se baladent de gauche à droite du spectre, donner le sentiment d’assister à quelque chose de malade, malsain et fantomatique qui se promène tout le long du disque.

Mirador est un disque sur l’enfermement, mental, physique, le mal-être et qui au bout de sa noirceur va allez vers la lumière.

Et comme Max-Antoine n'est pas du genre à s'endormir sur une recette, il est un peu hors de question de faire un Mirador 2...

Sur le deuxième album que je prépare, je suis allé du côté des trains de marchandises, des bâtons de pluies, du marché à Marrakech, l’appel de muezzin, de samples de didgeridoo, de bruits du vents.

Je m’inspire beaucoup du climat et de l’ambiance que l’on peut ressentir dans certains passages de Salommbo de Flaubert ou de films comme Lawrence Of Arabia - un de mes films préférés d’ailleurs - en travaillant sur la dimension d’espace, du lointain où l’abstrait de certaines textures finissent par se fondre en notes, parfois pour créer du contrepoint, parfois pour aboutir à des ruptures rythmiques, souligne celui dont l'approche cinématographique fait partie intégrante de sa formation première.

Ce sera un disque un peu plus voyageur et conquérant que Mirador. Ça va être un disque un peu plus accessible et friendly, veut-il croire... plus électronique, plus dansant et groovy avec pas mal de synthés, de boîte à rythme, de percussions et une voix vraiment chantée et mise en avant.

Nous voilà prévenus. Tout impressionnant que soit cet album, il n'a pas l'intention d'en faire un copier-coller, sans intention, promet-il de retourner vers une pop garage classique.

Il y aura un bon mélange entre les choses pop que je pouvais proposer sur mes premiers EP et les structures un peu plus complexes de mon premier disque, dit-il, avec en toile de fond un climat et des textures sonores rappelant le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord... Ce sera vraiment être un disque très différent...

Posts similaires

Voir tout
Recent Posts:
Similar Posts:
bottom of page