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20 déc. ~ Bashung & Ian Caple ~ Ep. 2/2


l Bashung l Fantaisie Militaire l Ep. 2/2

Réputé pour être aussi exigeant avec la musique qu'avec les textes, Bashung était attentif à ce qui l'entourait et n'avait pas manqué de repérer ce groupe anglais à la classe monumentale et ténébreuse qu'est Tindersticks que l'ingénieur du son et réalisateur Ian Caple accompagnait depuis le début mais dont les aptitudes et goûts les musicaux amèneront également à travailler avec Tricky.

Oui Alain a dit qu'il était impressionné que le même gars puisse produire les Tindersticks, avec des instruments tous organiques et des chansons enregistrées de manière traditionnelle, mais aussi Tricky dont la musique était complètement basée sur breakbeats, boucles et voix dénaturées, raconte Ian en référence à ses débuts en tant qu'ingénieur du son dans un pays où certaines soirées de concerts mélangent allègrement la pop, le rock et le métal sans que cela ne dérange le public..

[ Le moment où un producteur pense qu'il sait tout...

est le moment où il devrait arrêter ]

Cela remonte au début de ma carrière où j'enregistrais un orchestre un jour et un groupe de punk le lendemain. J'ai toujours aimé le contraste, avoue le réalisateur anglais.

J'ai appris à respecter la chanson et l'artiste, et à suivre leurs instincts. Le moment où un producteur pense qu'il sait tout est le moment où il devrait arrêter. C'est de l'artiste que nous apprenons tout.

Au final, Bashung, Tindersticks, et Tricky sont trois artistes dans trois domaines très différents mais ils ont vraiment beaucoup en commun... leur individualité, vouloir tous faire quelque chose de différent du reste et de ce qu'on attendait d'eux, et le besoin de la bonne personne pour les aider à y parvenir, glisse-t-il.

Fantaisie militaire, sorti en 1998, renvoie avec le recul à une période abordée dans le documentaire à la gloire d'une table de mixage confrontée à l'arrivée du logiciel Pro Tools et dont la vision manichéenne de ses conséquences restent aux yeux des professionnels très discutables. Reste qu'il y a dans le monde la musique un avant et un après Pro Tools, comme il y a un avant et un après l'amplification des guitares.

Pendant une courte période, au début des années 90, la technologie numérique commençait à émerger mais ça sonnait vraiment mal ! Beaucoup d'ingénieurs ont, comme moi, continué à utiliser des bandes parce que c'était le support que nous connaissions et que ça sonnait mieux.

Mais les choses ont commencé à s'améliorer et la marche du progrès nous a amenée à Pro Tools... concède-t-il. Fantaisie Militaire a été le premier album que j'ai entièrement réalisé avec Pro Tools et cela m'a apporté un immense sentiment de liberté, pouvoir enregistrer plusieurs prises, les éditer ensemble, réarranger la structure de la chanson de la chanson sans avoir à couper la bande !

Après ça, la bande ne m'a plus manqué. je suis sûr que les réalisateurs diraient la même chose à propos de la vidéo numérique.

[ je pense que (l'album) a été massivement...

influencé par l'utilisation de Pro Tools ]

Les antennes tournées vers le monde extérieur à la chanson française après un album Osez Joséphine dont il se dit que le succès l'avait perturbé, Bashung explorait avec Fantaisie militaire des sphères musicales inédites audacieuses. La présence de Rodolphe Burger et du titre Samuel Hall n'est certainement pas étrangère à l'existence de l'album anti-blues Meteor Show de l'Alsacien sorti la même année et réalisé avec le professeur fou franco-irlandais Liam Farrel, aka Doctor L, tout comme la présence Adrian Utley de Portishead, monté à bord grâce au pont entre l'Angleterre et la France avec le recours Ian Caple.

Un simple regard sur les crédits du disque et le nombre d'instruments entrant dans la composition de cette tour de Babel sonore laisse entrevoir le travail réalisé. Un album aurait donc sonné tout à fait autrement sans l'apport technologique.

Oui, je pense qu'il a été massivement influencé par l'utilisation de Pro Tools pour l'enregistrement, valide le réalisateur. Au début, je voulais conserver certaines des boucles de batterie et des échantillons des démos et les utiliser comme base pour construire les chansons.

Ma méthode de travail ouverte aux expérimentations faisait que nous enregistrions tout... donc nous avions beaucoup beaucoup de pistes, certaines servaient de guides que nous avons remplacés ou parfois complètement supprimés. D'autres ont fini dans le mix final.

L'échelle de grandeur du projet allait au-delà de tout ce sur quoi j'avais travaillé auparavant. Les possibilités étaient plus grandes et je les ai toutes utilisées ! conclue-t-il.

Quand nous sommes arrivés à Londres pour le mixage, j'ai tout transféré sur une bande 48 pistes et j'ai mixé à partir de ça. Je pense que ça a enlevé une part de froideur du son numérique.

Quel plaisir de voir que le disque a reçu à l'époque trois Victoires de la Musique et qu'il a été salué de nombreuses fois comme l'un des meilleurs albums des vingt dernières années... même si les trois quarts des titres ne passent toujours pas les fourches caudines du formatage industriel et médiatique... de tels assemblages de beats jungle, de programmations de boucles, mêlés à plusieurs générations d'instruments plus ou moins organiques allant du clavecin à l'orgue Hammond, en passant par la batterie et des percussions turques et africaines, vibraphone, guitares électriques et acoustiques...

[ C'était assez similaire à la méthode d'expérimentation

utilisée pour les disques avec Tricky ]

J'aime regarder chaque chanson comme une entité à part entière et travailler dessus de la meilleure façon pour la faire sonner du mieux possible. Chaque artiste a sa propre personnalité, chaque chanson aussi.

Quand vous êtes dans un studio avec un groupe de musiciens de session, c'est plus rapide si vous enregistrez toutes les percussions sur toutes les chansons, puis toutes les basses, puis la guitare etc... mais de cette façon vous obtenez les mêmes sons, la même sensation, etc... sur chaque chanson.

Il est très tentant de trouver une bonne formule et de la répéter douze fois ! s'exclame Ian. Donc dès le début nous avons travaillé sur une chanson à la fois, en explorant la structure de celle-ci. Que pouvons-nous garder de la démo ? Que devons-nous remplacer ou améliorer ?... puis tester d'autres idées et voir où la chanson nous emmène...

Quand nous rencontrions des problèmes ou cessions d'être inspirés, je passais à une autre chanson et je laissais ouvert le robinet d'idées. J'avais un sampler qui tournait en permanence. Je prenais de petits extraits de guitares ou de batterie, je les mettais en boucle et je construisais des couches plus intéressantes avec les musiciens. C'était assez similaire à la méthode d'expérimentation utilisée pour les disques avec Tricky.

Ce processus prend plus de temps mais les résultats parlent d'eux-mêmes. Ce que vous avez sur l'album est une collection de chansons impressionnantes. Chacune avec sa propre identité et sa dynamique qui vont d'un piano-voix calme à des guitares hurlantes et des batteries puissantes.

Chassez le naturel, il revient au galop. La chanson française a largement tendance à place la voix en avant par rapport à la musique, pour donner de l'importance aux textes, évidemment, pour une nation de poètes... mais non !

Oui, c'était un choc. Je l'ai découvert quand je mixais Fantaisiie Militaire. La maison de disques adorait les mixes, ils voulaient juste que la voix soit de plus en plus forte ! Je m'y suis habitué et je donne toujours à l'artiste et à la maison de disque un choix au niveau de la voix mais en général Je trouve que si le son de la voix est bon, il peut être placé n'importe où dans la chanson et ça fonctionnera. C'est une question de préférence. Je comprends que ce soit à cause de l'importance du texte dans la musique française. J'étais habitué jusqu'alors à la manière anglaise. Vous pouviez mettre la voix au-dessus du reste et ensuite continuer à la baisser jusqu'à ce qu'elle rentre au niveau des guitares et de la batterie ! Personne ne s'attend à entendre et comprendre chaque mot et la plupart des chanteurs anglais détestent entendre leur voix trop fort.

J'ai appris le style français sur Fantaisie Militaire... mais j'ai appris des meilleurs! À l'écouter aujourd'hui il sonne parfaitement bien.

Sans présager de ce que nous réservent les 20 ans à venir de ce disque incontournable, il est évident qu'il laisse autant de souvenir à ceux qui ont contribué à sa réalisation qu'à ceux qui l'ont découvert à l'époque et encore aujourd'hui... Que ces souvenirs soient bons ou moins bons...

Quand Martyn Barker est arrivé. Il a installé son kit de batterie dans la grande salle de studio et j'ai commencé à mettre les micros dessus. Je lui ai joué la base du morceau de La Nuit Je Mens. À ce moment-là, il y avait juste une simple boucle de batterie dessus.

Je lui ai joué la chanson une fois et il a tappé sur ses toms pour attaquer le premier refrain, a trouvé ce groove subtil et merveilleux... la chanson s'est réveillée, c'était magique ! se souvient-il.

Le seul mauvais souvenir de tout l'album c'est quand nous sommes arrivés à Londres et que nous avons appris le décès du chef Edgar du Studio Miraval. Il nous cuisinait chaque jour des plats incroyables au studio. C'était un gars adorable. Nous avons tous apprécié sa compagnie....

Sur l'album, Alain lui a fait cette dédicace 'Pour Edgar'.

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