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12 déc. ~ Les Négresses vertes


l Les Négresses vertes l Trabendo l

Il fut un virage difficile à négocier, pour ceux qui s'en souviennent, celui de l'an 2000, que nombre de fins prophètes du pire voyaient comme annonciateur de la fin d'une époque. Une fin qui s'orchestrerait dans le chaos, ou tout du moins dans un vaste fracas manichéen de 0 et de 1 qui viendraient effacer les disques durs de la planète entière, ou presque.

L'actualité après dix-sept années dans ce nouveau siècle leur donnerait presque parfois raison, mais la musique adoucit les moeurs veut-on persister à croire.

Pour ces Négresses qui, en 2000, en avaient vu des vertes et des pas mûres, de nombreuses pages avaient déjà tourné, volé voire, entre parcours glorieux et justifié de leur émergence de la scène alterno, décès brutal de leur charismatique frère d'armes Noël Helno Rota, en passant par le lent éveil des artistes face aux risques de spoliation ou dilapidation de leurs droits au coeur d'une industrie qui ne savait déjà plus trop ce qu'elle allait devenir et si elle allait réussir à passer entre les gouttes de violentes mutations*.

La mutation à proprement parler des Négresses vertes s'est opérée au fil du temps, et force est de reconnaître a minima que leur appartenance à la sphère de la major de l'époque, EMI, leur a ouvert des opportunités rares de collaborations à l'heure de l'émergence d'une scène trip hop...

Dès 1993, après deux albums acclamés pour leur festivité sud-américano-andalo-punk, dix de leurs titres passaient à la moulinette du remix par des stars montantes ou affirmées telles que Massive Attack, Norman Fatboy Slim Cook, ou Clive Martin... pour ne citer que les meilleurs... remixes, s'entend, avec des versions respectivement revisitées de l'immense Face à la Mer, du duboïde Famille heureuse et du pamphlétaire 200 ans d'hypocrisie repris d'une belle compilation Sang neuf en 89**.

De fait, ce Trabendo, dont la pochette affichait ostensiblement le partie pris d'hybridations ancrée dans leur époque, en plus du clin d'oeil à l'éthymologie sournoisement contrebandière de son titre, devait et doit rester comme un album important de ce qu'est la France en termes d'inventité musicale. Le titre Hasta Llegar... qui surpasse tous les titres que dévoilerait à l'avenir le Gotan Project, est proprement hallucinant. Pour le reste, c'est le Barbès d'antant dans toute sa splendeur, c'est la mixité sociale ouverte sur le monde, l'intégration de styles musicaux en mode Transglobal Underground.

Le plus épatant est la modernité d'un disque dont les titres, à quelques exceptions près, ne vieillissent pas contrairement aux propres productions d'Howie B, ou d'autres du label Mo'Wax... sans parler de celle du label Source qui faisaient office de références pour une avant-garde désormais âcrement patinée.

Le disque est une caverne d'Ali Baba qui donne le ton de racines made in France, n'en déplaise à quelques acariâtres obédiences politiques. Il dresse les contours d'un melting pot qui puise autant dans l'abstract hip hop que la musique sud-américaine. Les Négresses vertes injectent des doses de jazz au trip hop (Ce pays) ou le contraire, comme le ferait peu après Miles Davis sur son dernier disque Doo-Bop... Ils passent en mode caravansérail, invitant sur un titre le songwriter irlandais oublié Mundy, l'ex-batteur des Islandais Sugar Cubes, Sigtryggur Baldursson, tout en confiant les manettes à Howie B, Dobie, et Jeremy Shaw de Naked Funk.

* Metallica v. Napster (2000) U.S. District Court for the Northern District of California

** https://www.discogs.com/fr/Various-Sang-Neuf-En-89/release/1506667

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