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27 nov. ~ Olivier Mellano ~ Ep. 3/3


l Olivier Mellano l MellaNoisEscape l

Version corrigée.

Au premier abord, il est aisé de voir dans la discographie d'Olivier Mellano une filiation entre la partition symphonique de How we tried a new combination of notes to show the invisible or even the embrace of eternity, déclinée visuellement et stylistiquement en plus de neuf versions, avec la pièce musicale pour bagad, intitulée No Land, qui confronte un chant sombre à des instruments bretons traditionnels suraigus et en y incrustant des percussions, basses synthétiques et électriques...

How We Tried, ça a surtout débouché sur MellaNoisEscape, corrige Olivier...

...parce que MellaNoisEscape s'est fait un peu en réaction à ce projet un peu énorme qui m'a vraiment pris cinq ans (...) un projet qui a demandé une énergie folle, qui m'a vraiment bien foutu sur les rotules, confesse-t-il, un projet qui n'a quasiment pas été exploité de surcroît faut-il préciser.

On l'a joué à la création, trois fois à Rennes (...) Personne n'a jamais voulu programmer ça, donc ça a été un petit coup de massue. Et du coup, pour rebondir, je me suis lancé dans MellaNoisEcape, quelque chose de beaucoup plus léger, tout seul, raconte-t-il au sujet d'un set-up scénique qui le voyait boucler sa guitare, sa voix, ses choeurs, et piloter un pédalier digne d'un tableau de bord d'aviateur, le tout avec une vitesse d'exécution hallucinante en comparaison de projets similaires où la simple construction de la rythmique et de la mélodie prend parfois de trop nombreuses mesures...

Même si j'ai tout piloté sur How We Tried, j'avais plus autant de paramètres à gérer. Ce n'était vraiment que moi, donc je répétais quand je voulais...

[ pendant je ne sais pas combien de temps, j'avais beau faire n'importe quoi...

c'était toujours le violoniste de Miossec ]

Si MellaNoisEscape n'est que le énième projet parallèle d'un guitariste dont on reconnaît la patte partout où il la pose, c'est sur scène que ce projet prend toute sa dimension... Qu'il soit proposé sous le dôme d'une salle du Palais de Tokyo ou sur la mini-scène itinérante d'un camion façon caravane publicitaire du Tour de France sillonnant la ville de Rennes pour une quinzaine de mini-concerts en trois jours à la volée en marge des Transmusicales. Un projet tout-terrain, quelque part.

Les morceaux se font pop (Pop Chords) ou extrêmement soniques (We Are Fuse). Difficile d'imaginer la réflexion et la concentration qu'il faut pour arriver à jouer tout seul la musique que l'on entend au fil des onze titres de l'album (en mode CD), onze titres gorgés d'une urgence rock et d'une fausse plénitude post-wave.

Pas mal pour un artiste qui a commencé par être 'juste' le violoniste de Miossec !!

Mobiil n'existait pas encore mais ça a commencé pendant Miossec. À la fin de Miossec, j'ai commencé l'Ile électrique, les pièces pour huit guitares électriques, tout ça. Donc il y avait quand même ces trucs qui étaient déjà là, même si Miossec, du coup, ça a pris un peu toute la place... raconte-t-il.

... pendant je ne sais pas combien de temps, j'avais beau faire n'importe quoi, c'était toujours le violoniste de Miossec, même quand je ne jouais plus de violon depuis dix ans et que je n'avais pas joué avec Miossec depuis 15 ans. C'est pour ça qu'à un moment je l'ai viré des bios, parce que ça colore tellement le truc que tout le monde se dit... Il fait de la chanson française.

Bon, après, c'est à toi de travailler pour montrer que tu fais autre chose. Petit à petit, j'ai l'impression que je commence à y arriver... se dit celui que l'on aura vu ces quinze dernières années, et plus, jouer et/ou composer avec et/ou pour NO&RD, Mobiil, Psykick Lyrikah, Noël Akchoté, Brendan Perry, Simon Huw Jones, Marc Sens, Bed, Laetitia Shériff, Bruno Green, Dominique A, Yann Tiersen... sans que cela ne soit exhaustif...

Si je n'avais qu'un seul projet, tout le temps, ça serait plus simple que de multiplier les trucs... dit-il, laissant le sentiment que ça l'handicaperait plus qu'autre chose, alors qu'il est un consensus général qui veut que, même si Olivier Mellano est tout de même un peu plus qu’un secret bien gardé, comme le dit un ami, le principal intéressé avoue facilement qu'il aurait du mal à concevoir sa carrière autrement, lui qui a commencé par le violon à l'âge de six ans... avant de prendre la guitare.

Le violon, je n'ai jamais été trop copain avec, confesse-t-il. Il faut vraiment travailler l'instrument, et j'ai jamais trop travaillé mon instrument.

C'est pour ça que la guitare me va mieux. Je ne joue jamais de mon instrument à part sur les concerts. Je préfère composer. Je n'ai pas du tout ce côté technique. Le violon, ça ne supporte pas trop ça.

J'ai commencé la guitare quand j'avais 15-16 ans, au lycée, se souvient celui qui aime à les multiplier et les superposer en délicieux millefeuilles sonores. Le fait de venir du violon, la guitare ça te paraît beaucoup plus simple, donc ça a aidé pour ça, et donc, du coup, j'ai un peu délaissé le violon au fur et à mesure... J'ai repris un peu avec Miossec et puis j'ai complètement arrêté.

D'aucun pourrait dès lors tenter de trouver là une explication ou une origine à sa technique et ses choix d'harmonie.

... Il y a de ça, mais bizarrement, je pense que c'est plus la main droite, réfléchit-il.... Parce qu'il y a un truc avec l'archer... et une sorte de dynamique que tu as à la main droite... et du coup, sur la main gauche, avec les cases, t'as l’impression que tout se fait plus simplement... même si t'as plein d'accord, c'est une autre logique, mais il y a un truc qui se fait assez naturellement dans le passage de l'un à l'autre.

[ Y a tellement de choses à faire...

quand même, c'est bizarre de refaire tout le temps le même disque ]

Alors que se dessine, après No Land, un nouveau MellaNoisEscape, Olivier reste donc fidèle à une boulimie créatrice viscérale.

Je ne sais pas... en tant qu'auditeur (...) je trouve que l'intérêt et le rôle de l'artiste, c'est de ne pas faire deux fois la même chose, de surprendre tout le monde. Si tu as fait un album génial, le prochain, il faut qu'il soit autrement...

Y a tellement de choses à faire, tu te dis... quand même c'est bizarre de refaire tout le temps le même disque !!

Les experts en gestion de carrière pourront objecter de la difficulté à faire identifier un profil d'artiste auprès du grand public avec autant de sorties hors des sentiers battus et rebattus du mainstream... un état de fait qui pourrait alimenter un parallèle avec les collaborations entre Richard Pinhas et Pascal Comelade, ou avec les projets de Yann Tiersen, que ce soit avec ESB, ou Tiny Feet, duquel il n'est jamais très loin…

C'est vrai que, souvent, on est vite réduits à un truc. Les gens n'imaginent pas que tu peux faire un truc, que tu peux écouter de la bossanova, et faire de l'indus ou du drone, etc... et donc, oui, dès l'époque Miossec, j'avais déjà pas mal de choses en route mais c'est quand même avec lui que j'ai commencé à tourner beaucoup, renbonbine-t-il pour mieux expliquer l'avant Baiser du Brestois.

... avant, on avait quand même déjà monté un label, Rrose Selavy (...) avec Complot (Brunswick) !

On avait sorti sept-huit albums. Il y avait mon groupe Venus de Ride, qu'on avait monté avec Gaël (Desbois) et les anciens du groupe de lycée en fait. Il y avait Vein aussi. J'avais joué un peu avec eux. J'ai joué un peu avec Complot aussi, j'avais joué sur leur album, je faisais des dates avec eux... Donc, tout ça, c'était avant Miossec quand même.

S'il peut être aujourd'hui difficile d'écouter les excellents Venus de Ride et Vein, ce petit tour d'horizon, forcément incomplet, de son parcours fait regretter qu'il n'y ait pas eu a minima un phénomène d’aspiration par rapport aux personnes rencontrées.

Néanmoins, modeste, Olivier admet certaines limites à sa démarche, en référence notamment au fameux How We Tried dont le casting reste somme toute impressionnant... Dalëk/IconⒶclass, Simon How Jones d'And Also The Trees, Arm de Psykick Lyrikah, Black Sifichi, ...

Ça restait dans l'indé, avoue-t-il sans conteste. Des fois, je me disais les gens qui s'intéressent à la musique contemporaine auraient pu... en fait je pense qu'il y a plein de gens qui pourraient écouter ce disque-là…, se reprend-il.

... un exemple, comme ça, quand Sunn o))) sort un album avec Scott Walker, qui est un chouette disque... moi j'adore les deux, je suis fan de Scott Walker, de ses trois derniers albums... et Sunn O))) aussi, j'adore ce qu'il fait... je trouve des fois il y a des choses un peu plus vite fait mais je trouve qu'il a quand même apporté quelque chose... ils sortent donc cet album, qui est plutôt chouette, mais, à mon avis, ils ont tous les deux fait des trucs vachement plus intéressants !!

... Là, toute la presse branchée va te faire des pages dessus. Je pense que ce public-là ou cette presse-là qui a complètement ignoré How We tried, c'était parce que j'étais français, et parce que je n'avais pas le nom de Sunn O))) ou de Scott Walker... Et objectivement, t'écoute le 3e mouvement (de How We Tried, NDLR)... quand j'ai entendu leur album deux-trois ans après... c'est pas la même chose mais... j'ai sûrement moins de talent que ces gens-là mais si vous vous roulez parterre pour ce disque-là, écoutez au moins le How We Tried ! Et tout ça parce que tu es français et que tu as joué avec Miossec, t'es pas... balaie-t-il d'un revers de la main, lui qui est déjà passé à autre chose.

[ comme après How We Tried...

No Land a redonné l'envie de MellaNoisEscape ]

Après No Land, c'est comme après How We Tried, dit-il. J'ai besoin de plus de légèreté. Donc No Land a redonné l'envie de MellaNoisEscape. C'est vrai que chaque projet marche un peu en réaction au précédent, résume-t-il.

À l'heure de ces quelques lignes, le volume 2 de MellaNoisEscape est dit-il composé à un tiers et devrait voir le jour au printemps 2018, mais sous une forme différente du premier, puisqu'il a commencé à composer avec d'un côté, Valentine Magaletti à la batterie, qui a été vue au sein de The Oscillation, Vanishing Twin, et d'autres musiciens de Wire et Sonic Youth... et de l'autre, Suzy LeVoid de Miët, à la basse.

À l'image du projet No Land avec Brendan Perry de Dead Can Dance et le bagad de Cesson qui a vu le processus de création s'inverser, le disque arrivant pour clôturer l'aventure, Olivier voulait prendre le nouveau MellaNoisEscape pour roder et tester la résistance des titres sur scène avec ses nouvelles partenaires in crime.

Valentina, je l'avais rencontrée sur le projet Transformabile, le projet d'Alice Champion, avec Tristan Garcia, se souvient-il. On a improvisé un truc tous les deux et puis voilà...

J'ai rarement rencontré une batteuse, enfin tous batteurs confondus, comme ça... pointe-t-il avec déférence, citant en parallèle l'incroyable batteuse de The Ex...

Valentina. Elle joue de la batterie depuis qu'elle a six ans. Elle a une précision, une puissance, une inventivité complètement dingue, très organique. Elle rentre à l'intérieur du morceau...

...Et d'évoquer Régis Boulard et Jean-Michel Pirès, deux batteurs réputés de la scène made in France.

À chaque fois tous ces batteurs-là ont des couleurs tellement particulières que quand tu travailles avec eux c'est pour un truc précis, confirme Olivier. Parce que, par exemple, Régis, je ne peux pas lui proposer de travailler sur MellaNoisEscape parce que je sais que ce n'est pas ce son qu'il faut pour ce projet-là, même s'il a fait deux morceaux sur l'album, Jean-Michel, je sais qu'on ne pourrait jamais faire un truc comme NO&RD avec lui parce que c'est vraiment le son de Régis...

Donc, c'est ça les batteurs, quand ils ont des individualités, des sons comme ça, des personnalités très fortes... Elle, elle a un côté très krautrock, très abouti, avec une grande précision, quelque chose de très tribal, où elle joue sur plein de petites percus avec un vrai sens mélodique (...) et une culture musicale hallucinante qui fait que dès que tu poses un truc, elle va tout de suite savoir où aller chercher pour que ça sonne comme ci ou comme ça... Une sorte de boîte à outils complètement démoniaque, conclut-il.

Lui, s'en retrouve du coup libéré de son pédalier, de ses effets et autres mécanos techniques dont il est devenu le spécialiste.

Oui, en plus elle joue sur les boucles comme si c'est elle qui les avait faites... et puis donc avec Suzy (…) qui a une énergie, une tension particulière, qui est une grosse bosseuse aussi.

La version 2.0 de son projet solo mute donc sous nos yeux, et nos oreilles, pour devenir un groupe.

Je sentais un peu qu'au niveau du son, il y avait un truc qui devait déborder plus que ça... Toute mon installation... j'avais la guitare en mono, les machines en mono... c’était la seule solution technique pour que tout marche ensemble...

...Et là, il y avait un vrai blocage. Je ne voulais pas utiliser d'ordinateur, de séquences et tout. Et puis, oui, je pensais être arrivé au bout un peu de la formule tout seul.

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