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26 oct. ~ Georgio ~


l Georgio l Héra/Hρα l

Le rap de Georgio a le goût des livres, de la musique qui va au-delà d'une poignée de beats...

Il décrivait dès le Carpe Diem de son Prisme (2012) une vie semblable à un roman noir. Cette noirceur s'est développée, a pris de l'ampleur, la lumière qu'il en dégage aussi...

En cinq ans, l'univers de Georges Édouard Nicolo se retrouve à mille lieues du Pointe à Pitre de ses aïeuls, à des kilomètres du rap de bonne facture, somme toute classique, de ses premiers titres sous lesquels couvaient le feu d'une curiosité musicale et d'une plume passionnée qui continue à s'affiner.

Son flow est aujourd'hui devenu rapide, dense. Il pose sur un tempo alerte, avec une urgence qui renforce son propos. Il expose à coeur ouvert des pans d'existence dont aucun jeune ne devrait avoir à se souvenir et à classer dans, comme il l'appelle... le cimetière de sa jeunesse. Une triste banalité dans certaines parties de ce cher pays.

C'est plus que de la musique ou des textes, c'est ma vie, mes cauchemars mes névroses, mes envies, en une couleur... c'est bleu noir, scandait-il sur son premier album du même nom.

Rien de neuf sous un soleil de plus en plus vert, puisque la révolte contre une fatalité qui n'a d'autre raison d'être que celle d'une société injuste et inégalitaire est dans l'ADN de la culture rap.

À la différence que, lucide, celui qui s'est tourné très tôt vers les sphères intérieures de la lecture et de l'écriture va au-delà de l'egotrip et des lamentations pour pointer du doigt les politiques de la consommation qui écrase les plus démunis.

[ ... bâtir mon monde avec mon coeur du bout de mes dix doigts ]

Pour autant, il n'en oublie pas de parler d'amour et de sentiments, clef de voûte et sésame d'une existence moins soucieuse.

Fils d'immigré de l'intérieur, le Guadeloupéen décrit un quotidien à la gravité et à la pesanteur auxquelles il reste difficile d'échapper, et en parle sans peine, sans haine et avec verve. Il y ajoute la dictée d'un mal-être qu'il tient à distance grâce à de véritables instrus, qui ont eu emprunté au classique, au jazz, au blues et qui ne sont ni plus ni moins, sur Héra, que de véritables pièces musicales de pop électro noire, et qui flirtent avec l'illustration sonore de ses textes.

L'énergie qui se dégage des titres d'un disque comme celui-ci arrive insidieusement, grâce aux ambiances musicales, à projeter une forme d'utopie bienveillante face à une misère sociale et affective, face aux excès, aux promesses non tenues, aux rêves dissipés et aux accidents de la vie qui sont caractéristiques d'un quotidien qu'il sait ne pas focaliser seulement sur le sien.

Il veut croire au voyage au bout de la nuit, dit avoir abandonné des larmes et de cris de joie pour bâtir (son) monde avec (son) coeur du bout de (ses) dix doigts...

Ce disque, réédité à peine six mois après sa sortie - avec neuf titres supplémentaires -, est devenu disque d'or. Les titres supplémentaires, dont certains auraient pu figurer sur la première version, d'autres ayant été écrits sur la route, font entrer dans son univers un côté plus dur, plus rock dans l'instrumentation, qui laisse entendre qu'il n'en restera pas là... parce qu'il se nourrit de ses rencontres, nous dit-on dans son entourage. À noter au passage, sur Bleu Noir, celle avec Elisa Jo pour une Rose noire d'un impeccable classicisme, sans autotune.

La générosité et une écriture incessante font le reste.

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