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30 avr. ~ Laurent Garnier ~


l Laurent Garnier l Unreasonable Behaviour l

Voilà à quoi mène l'amour de la musique... à l'ouverture et au partage entre initiés d'abord, entre amis aussi, puis au plus grand nombre... c'est une drogue, aimer la musique donne envie de la partager, de la démocratiser, pas à pas, sillon après sillon.

C'est toujours un peu blessant de voir comment la musique est reléguée en queue de train dans les milieux institutionnels culturels et politiques, loin derrière le cinéma, qui s'en nourrit abondamment, derrière la peinture alors que rien dans la composition musicale ne peut plus ressembler à la gestation d'un tableau, derrière la danse et la mode qui ne sont pas les derniers à en avoir besoin, derrière le théâtre...

Détruisez les capacités de création musicale. Laissez infuser et regardez ce qu'il adviendra de ces autres formes jugées, aidées, soutenues dans des proportions largement plus importantes que les pauvres musicales dites actuelles.

La perception de la techno a longtemps été en décalage par rapport à tout ce qu'elle représentait et pouvait apporter culturellement. En la matière, Laurent Garnier est l'un des portes-drapeaux incontournables d'une musique de niche devenue une véritable culture au fil des ans, grâce à une discophilie dévorante - il suffit de jeter un oeil à la page d'accueil de son site pour en prendre la mesure - mais surtout une curiosité et un éclectisme suffisamment rare pour être souligné.

La flamme qui habite le mélomane, DJ, producteur, compositeur pour le cinéma, la télévision, le théâtre, l'a mené à la Légion d'honneur, le 1er janvier 2017... une forme de reconnaissance qui vient valider, avec un certain sens du contretemps, un parcours et une influence à l'échelle planétaire. Autant dire que la reconnaissance, du public, lui était acquise, elle, de longue date et avait su bienheureusement ne pas attendre trente ans... appelant en cela à rire du décalage culturel des élites plus qu'à craindre une quelconque récupération ou institutionnalisation...

La découverte musicale est incompatible avec le biberonnée des playlists de radio qui tourne en boucle sur 70 titres. Elle prend vite les allures d'un parcours initiatique. Brûler les étapes revient à rater des éléments clefs pour une saine ouverture d'esprit et à rater l'éveil à certains sons qui manqueront à tout bagage culturel pour entrer à un moment ou un autre dans une autre bibliothèque sonore.

De fait, il est plus que légitime de parler d'éducation musicale.

Un style peut rester opaque à l'oreille parce que les sons et styles qui permettraient de faire la passerelle avec d'autres nous reste inconnus et donc ne permettent pas de traduire ce que l'artiste exprime. En y revenant plus tard, une fois cette pièce du puzzle placée, on redécouvre des albums, des artistes, des styles musicaux qui nous restaient hermétiques.

Bien sûr, il y a les goûts... les couleurs... etc... Mais l'expérience montre que l'on peut amener des gens à écouter quasiment n'importe quel style(s) de musique(s) en recréant – patiemment - un parcours sonore par capillarité des genres. Une raison des succès et échecs relatifs respectifs de Couleur 3 et du Mouv.

Une partie de mon travail de programmateur de radio consistait en premier lieu - avant les auditeurs - à amener les bénévoles des émissions à écouter de plus en plus de musique au-delà de leur zone de confort, car si l'animateur lui-même s'enferme dans son style de prédilection, comment peut-il espérer convaincre les auditeurs profanes de l'écouter ? L'un des meilleurs souvenirs fut le jour où un animateur d'une émission de hard rock, black metal, doom demanda à écouter Homogenic de Bjork parce qu'il avait trouvé une correspondance, une passerelle, entre deux genres pas vraiment voisins du spectre musical qui était le sien.

Dans le grand labyrinthe des musiques et des influences qu'elles ont les unes sur les autres, Laurent Garnier a un jour ouvert une porte avec cet album Unreasonable Behaviour, la porte qu'il me fallait pour commencer à explorer cet univers auquel j'ai mis longtemps à adhérer ou simplement à comprendre, la techno. Un univers pas si parallèle ni lointain que ça, puisque l'electro, au sens large du terme, a su très rapidement montrer qu'elle se diluait très bien dans le rock, la pop, le folk, la soul... le contraire étant on ne peut plus vrai, évidemment, puisque c'est par essence une musique capable d'intégrer toutes les autres.

Pour le coup, cet album marquait aussi à sa manière une évolution par rapport à Shot in the Dark et 30, plus downtempo, aux sonorités plus sombres et aux structures déviantes. Une manière de dire que les sons utilisés me parlaient et m'ont permis de revenir sur des choses que j'avais écartées, sous couvert de mépris alors que ce n'était que de l'inculture, et qu'à cette époque-là, il avait peut-être lui-même évolué dans son parcours de guide interplanétaire des musiques électroniques, et au-delà, faisant qu'à ce moment nos chemins se croisaient et rendaient intelligible un style musical qui au pire m'indifférait au mieux m'était inintelligible.

Activiste s'il en est du mouvement techno, Laurent Garnier ne disait d'ailleurs pas autre dans son interlude éponyme, parlant de sa musique comme d'un arbre en perpétuelle croissance, appellant à ne pas oublier qu'au plus profond, les racines de toutes les musiques ont puisé à d'autres sources et qu'il ne servaient donc à rien de s'enfermer dans un seul style de musique.

En explorateur de la planète musique*, il montrait combien ses antennes étaient à l'affût des musiques actuelles ou non intégrant toutes sortes de sonorités à ses titres pour donner un (double) album furetant tous azimuts. Merci pour la passion, pour la contagion.

La suite de sa discographie n'a pas dévié, si l'on peut dire, de cette cleptomanie du son avec des éclats de jazz, de rap, de disco, de rythmiques africaines, etc... qui font que l'écoute de chaque nouveau disque réserve son petit lot de surprises jubilatoires.

* écouter en cela ses émissions It Is What It Is

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